Soutenir le rôle des volontaires émergents lors des catastrophes : Un examen des inondations de 2021 en Colombie-Britannique

Mahtab S. Gill
Chef des communications, Opérations d’intervention d’urgence du transport aérien de la Colombie-Britannique;

Université de la Colombie-Britannique, Faculté des sciences.

Anita Dunleavy
Opérations d’intervention d’urgence du transport aérien de la Colombie-Britannique;

Université de York, Faculté des arts libéraux et des études professionnelles.

Chirag R. Chopra
Directeur général, Opérations d’intervention d’urgence du transport aérien de la Colombie-Britannique;

Université de Toronto, Faculté des arts et des sciences.

Note de l'auteur

Nous tenons à déclarer que Mahtab Gill et Chirag Chopra sont membres du conseil d’administration du programme Airlift Emergency Response Operations (AERO) dont il est question dans cet article. Toute correspondance concernant cet article doit être adressée à Chirag R. Chopra, courriel : chiragrahulchopra@gmail.com

Résumé

Les volontaires émergents jouent un rôle essentiel dans le soutien apporté à leurs communautés locales en cas d’urgence ou de catastrophe. Souvent, les volontaires émergents se retrouvent comme les premiers sur place, des forces immédiates de renforcement des capacités qui comblent les lacunes laissées par la portée et le calendrier de la réponse “officielle”. Malgré leur présence inhérente pendant les crises, ces bénévoles ont tendance à ne pas être officiellement reconnus ou intégrés dans la réponse plus large. Dans cette étude, nous passons en revue les différentes réponses émergentes lors de la catastrophe des inondations de 2021 en Colombie-Britannique et évaluons leurs rôles respectifs, leurs forces et leurs faiblesses, et identifions leurs caractéristiques communes. Cette analyse vise à informer l’emploi de cadres de gouvernance collaborative potentiels, à savoir le modèle de collaboration de la Constellation (CCM) et le modèle Johnson, qui apprécient et soutiennent concrètement les réponses émergentes des volontaires lors des catastrophes. Les initiatives de préparation sur le terrain et les modèles de gouvernance qui reconnaissent la présence et l’utilité des intervenants émergents peuvent promouvoir une relation de collaboration, de sécurité et de soutien entre les bénévoles et les autorités gouvernementales pendant les situations d’urgence. Ces initiatives mettent l’accent sur l’efficacité grâce à une approche de la gestion des urgences qui s’adresse à l’ensemble de la société. Avec l’intensité accrue des catastrophes climatiques, le moment est venu de jeter les bases de la prochaine génération de systèmes de gestion des urgences qui reconnaissent le rôle des volontaires émergents.

Introduction

À l’automne 2021, la Colombie-Britannique a connu une rivière atmosphérique qui a causé des dommages considérables aux infrastructures publiques et aux biens privés dans de nombreuses communautés. En plus de la réponse gouvernementale, des nouvelles de groupes civils et d’efforts de secours menés par de petites organisations non gouvernementales (ONG) sont apparues. Il s’         agit notamment de médecins en congé qui soutiennent les hôpitaux régionaux débordés, de bénévoles qui travaillent de longues heures pour constituer des sacs de sable sur les infrastructures vitales et de groupes de pilotes bénévoles qui transportent par avion des fournitures essentielles vers les communautés isolées par la route (Karamali, 2021 ; Luymes, 2021 ; Devlin, 2021). 

     Ces volontaires, connus sous le nom d’intervenants émergents ou spontanés, sont des citoyens auto-organisés qui prennent l’initiative de fournir des services d’aide d’urgence immédiats à leurs communautés (Dynes, 1968). Les efforts civils émergents en réponse aux catastrophes sont monnaie courante dans le monde entier et se sont avérés essentiels pour accroître la capacité de réaction immédiate. En 2004, à la suite du tsunami au Sri Lanka et en Thaïlande, la quasi-totalité des interventions de sauvetage immédiates ont été menées par des volontaires locaux pendant les premiers jours suivant la catastrophe, y compris le sauvetage, la fourniture de nourriture et d’eau, et les enterrements (Twigg & Mosel, 2017). Lors du tremblement de terre qui a frappé Katmandou en 2015, les habitants ont sauvé des personnes qui s’étaient effondrées, construit des abris temporaires, distribué des colis de secours et collecté des fonds en ligne (Devkota et al., 2016). Plus récemment, au milieu des incendies dévastateurs de 2020 qui ont ravagé la côte ouest de l’Amérique du Nord, la California Pilots Association Disaster Airlift Response Team 

La réponse immédiate aux catastrophes est presque toujours assurée par la famille, les voisins ou des volontaires émergents, des heures ou des jours avant un effort gouvernemental coordonné. Ces réponses spontanées continuent d’être négligées dans les plans officiels de gestion des urgences, même si elles constituent un aspect courant et vital des efforts de secours et de rétablissement (Twigg & Mosel, 2017). Des événements récents de grande ampleur ont mis en évidence le fait, souvent méconnu, que les situations d’urgence nécessitent une approche de l’ensemble de la société, et que la gestion gouvernementale des situations d’urgence doit incarner un tel état d’esprit (Sobelson et al., 2015). En d’autres termes, l’aggravation des catastrophes liées au climat signifie que les juridictions doivent être capables de mobiliser et de gérer d’importantes forces civiles émergentes, pour la plupart inorganisées.

Méthodologie

Dans cette étude, nous passons en revue les différentes réponses émergentes à la catastrophe des inondations en Colombie-Britannique en 2021 et évaluons leurs rôles respectifs, leurs forces et leurs faiblesses. Cette analyse vise à informer l’emploi d’éventuels cadres de gouvernance collaborative qui apprécient et soutiennent concrètement les réponses émergentes des volontaires lors de catastrophes.

Inondations de 2021 en Colombie-Britannique : Analyse de la réponse civile émergente

Les inondations du nord-ouest du Pacifique de novembre 2021, causées par une rivière atmosphérique, ont principalement touché des parties du sud de la Colombie-Britannique et de l’État voisin de Washington, causant entre 2,5 et 7,5 milliards de dollars canadiens de dégâts et entraînant la mort de 5 personnes (Journal Montréal, 2021). La catastrophe a entraîné la fermeture et l’endommagement de nombreuses routes et voies ferrées, provoquant l’isolement des communautés (Schmunk, 2021). Au milieu de la crise, diverses initiatives de volontariat se sont matérialisées en Colombie-Britannique, par lesquelles des civils ont comblé les lacunes des ONG et des entités gouvernementales en matière de réponse. Le tableau 1 décrit les principales réponses civiles émergentes à la catastrophe.

Tableau 1 : Description et caractéristiques de haut niveau de certaines réponses émergentes lors des inondations de 2021 en Colombie-Britannique. Exemples choisis en fonction de leur prévalence dans les médias et de leur diversité. Les descripteurs de la colonne “Type d’activité” ont été créés par Twigg et Mosel (2017).

Réponse émergente

Type d’activité

Description

Intervention des pilotes civils volontaires

(Devlin et al. 2021)

Fournitures et approvisionnement

Des dizaines d’avions pilotés et entretenus par des bénévoles ont transporté des fournitures essentielles du Lower Mainland vers les communautés de l’intérieur isolées de la catastrophe.

Bénévoles de la station de pompage de Barrowtown

(Luymes, 2021)

Bâtiments et services

Des bénévoles locaux ont fait circuler 40 000 sacs de sable de 14 à 22 kilogrammes de main en main, pendant la nuit, pour former une barrière de protection autour d’une station de pompage essentielle, évitant ainsi la perte d’infrastructures critiques.

Les médecins bloqués soutiennent les victimes des coulées de boue (Karamali, 2021)

Premiers secours et soins médicaux d’urgence

Les médecins bloqués sur l’autoroute 7 près de la ville de Hope sont arrivés à l’hôpital régional de Fraser Canyon, débordé, pour venir en aide aux personnes blessées par les glissements de terrain.

Campagnes GoFundMe (gofundme.com)

Collecte de fonds pour les victimes

Plus de 100 000 $ ont été collectés en fonds de secours pour plus de 120 campagnes indépendantes sur GoFundMe.com. Les campagnes allaient du soutien à diverses ONG aux personnes bloquées ou blessées lors de la catastrophe (annexe 1).

Groupe de bénévoles de Princeton (Laube, 2021)

Efforts de redressement

Les habitants de la ville de Princeton se sont regroupés pour coordonner la réponse aux inondations et les efforts de récupération avec les entreprises et les églises locales afin de fournir des repas et un hébergement, et de mener à bien les efforts de nettoyage après les inondations.

Caractéristiques communes

Diversité des volontaires et réponses improvisées

Ces efforts organiques visant à alléger la pression sur la capacité d’intervention locale présentaient certaines caractéristiques communes. Une réponse émergente, comme le montre le tableau 1, est capable d’attirer organiquement les talents d’une main-d’œuvre variée, ce qui se traduit par une plus grande diversité dans les approches de la situation d’urgence. Les intervenants émergents sont très hétérogènes, leurs profils dépendant du type d’événement auquel ils répondent, de leur statut socio-économique, de leur éducation, de leur milieu culturel et de leur contexte politique (Twigg & Mosel, 2017). La diversité des antécédents et des compétences des volontaires leur permet d’accomplir une plus grande variété de tâches et d’aborder les problèmes sous différents angles (Sims, 2018). Toutefois, cette main-d’œuvre émergente est limitée en termes de collaboration, manque de coordination entre les groupes et a tendance à se dissoudre après une situation d’urgence, perdant ainsi toute mémoire institutionnelle ou expertise (Twigg & Mosel, 2017).

Cette diversité de volontaires donne lieu à l’improvisation et à l’innovation dans les interventions d’urgence. En raison de leur connaissance intime des zones ou des personnes touchées par une catastrophe locale, les volontaires émergents peuvent configurer leurs efforts de secours pour répondre à des besoins uniques (Whittaker et al., 2015). En revanche, les organisations gouvernementales ou officielles peuvent être moins susceptibles d’innover ou d’improviser dans leurs réponses pour toute une série de raisons, notamment les protocoles établis (Whittaker et al., 2015) ou d’autres contraintes technologiques et juridiques (tableau 1). Lors des inondations en Colombie-Britannique en 2021, on a eu recours à des interventions improvisées et novatrices qui ont permis d’obtenir des avantages immédiats. Il s’agit notamment de médecins en congé qui se sont rendus dans des hôpitaux régionaux pour aider le personnel hospitalier submergé par les blessés. Il s’agissait de fournir un service (soutien médical) en dehors des heures de travail officiellement autorisées, et de leur motivation interne à fournir un service essentiel à un moment crucial. En outre, des pilotes volontaires ont utilisé des avions privés pour livrer des articles et des fournitures essentiels aux communautés dans le besoin, mettant à profit leurs atouts personnels et les ressources disponibles (avion, carburant) pour cette intervention d’urgence (tableau 1). 

Toutefois, la nature de cette approche comporte des risques. Les civils qui participent à une intervention d’urgence peuvent ne pas être bien formés à l’exécution de certaines tâches liées à la gestion des urgences, ce qui accroît le risque de blessure ou de perte de vie pour les volontaires et les communautés qu’ils servent. En outre, un phénomène connu sous le nom de convergence, par lequel des individus ou des groupes bien intentionnés se rassemblent vers une zone sinistrée, peut perturber les efforts d’une réponse coordonnée. En 1999, les intervenants d’urgence en Turquie ont été retardés pour atteindre une zone sinistrée par un tremblement de terre en raison d’un embouteillage de 32 km causé principalement par des volontaires spontanés (Helshoot et Ruitenberg, 2004). En raison d’un manque de formation et de coordination potentielle, les volontaires spontanés risquent d’alourdir les efforts de rétablissement.

Réponse localisée dans l’origine et la capacité

Aucune des réponses émergentes examinées dans le cadre de cette analyse ne s’est étendue au-delà de la communauté ou de la région immédiate (tableau 1). La réponse la plus étendue a été celle des pilotes en raison de la nature de leur travail, mais même eux ne se sont pas étendus au-delà de certaines communautés de la région de l’Intérieur. Twigg & Mosel (2017) affirment que les individus peuvent se sentir personnellement touchés par les catastrophes qui affectent leur propre communauté, et décident généralement de donner la priorité à leur propre intervention et à leur rétablissement au sein de leur propre communauté.

Dans le cadre des inondations de 2021 en Colombie-Britannique, les bénévoles de Barrowtown qui ont mis en place des sacs de sable dans une station de pompage locale, les habitants de Princeton qui sont intervenus dans leur ville en posant divers gestes humanitaires et les pilotes qui ont participé à des missions personnelles dans les collectivités locales et qui ont ensuite étendu leurs activités à la région intérieure (tableau 1) sont autant d’exemples de bénévoles qui sont intervenus pour soutenir leur propre collectivité. Dans la quasi-totalité des cas, les volontaires émergents locaux ont travaillé aux côtés des services officiels de gestion des urgences et leur ont apporté leur soutien. Par comparaison, les interventions institutionnelles menées par les gouvernements et les ONG établies bénéficient de ressources et d’une planification existantes, ce qui leur permet de lancer des interventions de grande envergure. Ce paradigme met en évidence les caractéristiques uniques des deux types de réponse et met en évidence leur complémentarité. Les réponses institutionnelles sont bien adaptées à la gouvernance et à la coordination, tandis que les réponses émergentes peuvent être essentielles pour pallier les insuffisances des capacités locales (Twigg & Mosel, 2017).

Financement décentralisé

Le succès des efforts de financement décentralisé s’est manifesté par une large utilisation de GoFundMe (GFM) et d’autres campagnes de crowdfunding. Dans les modèles de crowdfunding, les campagnes et les organisateurs sont généralement authentifiés par le facilitateur de crowdfunding (c’est-à-dire GoFundMe), de même que l’identité du destinataire/utilisateur du fonds et sa relation avec les organisateurs par le biais d’un processus de référencement croisé. GoFundMe, et d’autres plateformes, offrent une méthode cryptée et efficace pour retirer directement les fonds donnés par le biais de virements bancaires. Le processus de transfert de fonds peut prendre entre deux et cinq jours ouvrables, contrairement aux processus bureaucratiques relativement ardus (GFM, 2022).

Un peu plus de huit mille dons ont été faits par l’intermédiaire du GFM pendant les inondations de 2021 en Colombie-Britannique, ce qui a permis de collecter plus de 1,3 million de dollars canadiens pour soixante-douze collecteurs de fonds vérifiés. Les fonds ont été utilisés pour couvrir une variété de coûts, principalement des réparations de maisons, des frais généraux de subsistance et des soins aux animaux, ainsi que des dons à des organismes de bienfaisance locaux et une redistribution parmi les communautés touchées. Un an après les inondations, sixante-cinq des collecteurs de fonds ont continué à accepter des dons, apportant ainsi un soutien financier continu aux communautés touchées et aux efforts de redressement locaux.

L’aide gouvernementale peut offrir des avantages que les méthodes de crowdsourcing n’ont pas. L’aide gouvernementale présente une certaine fiabilité, car elle ne repose pas sur une campagne active et sur la mobilisation du soutien public, ce qui peut s’avérer difficile à la suite d’une catastrophe. Quels que soient les efforts déployés, il est tout à fait possible de ne pas atteindre l’objectif fixé dans un cadre décentralisé. Sur les 72 campagnes vérifiées, vingt ont officiellement atteint ou dépassé leur objectif, avec un taux de réalisation moyen de 91 % [annexe A]. Les ressources gouvernementales ont également tendance à être plus importantes que celles des campagnes de crowdsourcing les plus robustes. Par exemple, le gouvernement fédéral a doté la province d’une subvention de 5 milliards de dollars pour financer les efforts de récupération des inondations, et le dernier budget provincial de 2022 contient 1,5 milliard de dollars pour les efforts de récupération des inondations et 600 millions de dollars consacrés à la préparation aux situations d’urgence (Meissner, 2021 ; Budget de la Colombie-Britannique, 2022).

Cependant, un inconvénient majeur est le temps qu’il faut pour accéder aux fonds gouvernementaux. Par exemple, même si une personne est éligible à l’aide financière en cas de catastrophe (DFA) en Colombie-Britannique, il peut s’écouler plusieurs mois avant qu’elle ne reçoive un paiement ou même une décision après avoir déposé sa demande (EMBC, 2022). Le processus de demande et d’approbation peut prendre des mois, ce qui ne permet pas de répondre aux besoins immédiats ou d’apporter le même soulagement à court terme que les campagnes personnelles et le financement décentralisé. Un an après les inondations, plus de 83% des demandes de DFA étaient toujours en suspens (Brunoro, 2022).

Communication non traditionnelle

Dans toutes les réponses émergentes examinées dans le présent document, les médias sociaux ont généralement servi de méthode pour accéder rapidement à un plus grand nombre de ressources et de soutiens. Ils ont joué un rôle important dans la promotion des campagnes GoFundMe et des appels aux bénévoles pour participer à des activités. Par exemple, des groupes de soutien Facebook formés dans toute la Colombie-Britannique ont proposé divers dons matériels et services d’urgence, tels que l’évacuation de bateaux ou le transport de bétail (Labbé, 2021). En outre, les messages postés sur le subreddit r/britishcolumbia ont permis aux personnes déplacées d’avoir accès à des abris et de répondre à des besoins essentiels (Crawford, 2021). Les médias sociaux constituent un lieu d’information plus familier et plus accessible, ce qui permet aux institutions et aux intervenants d’urgence d’atteindre un plus grand nombre de personnes, par rapport aux sites web officiels ou à d’autres moyens de communication plus traditionnels (Yigitcanlar, 2021).

Les méthodes traditionnelles d’accès aux services d’urgence en Colombie-Britannique comprennent l’inscription aux services sociaux d’urgence (ESS) afin d’être éligible aux ressources d’aide provinciales. Les ESS visent à répondre aux besoins primaires, y compris l’hébergement temporaire, la nourriture, les vêtements et les frais accessoires, ainsi que les ressources spécialisées, telles que le soutien émotionnel, les services de santé et les premiers soins, les soins aux animaux de compagnie et le transport. D’autres ressources ont été mises à disposition sur le site web du gouvernement de la Colombie-Britannique par l’intermédiaire de diverses agences et d’ONG sélectionnées, telles que la Croix-Rouge canadienne et United Way BC (BC, 2021). Les médias sociaux ont non seulement facilité la communication de ces services, mais ils ont également permis aux efforts émergents d’être publiés et portés à la connaissance des personnes dans le besoin. Par ailleurs, les bénéficiaires du service peuvent facilement entrer en contact avec les prestataires par le biais des médias sociaux en demandant directement de l’aide, en faisant la promotion d’événements en temps réel et en partageant les ressources disponibles avec d’autres personnes dans le besoin (Yigitcanlar, 2021).

L'évaluation

Les volontaires spontanés et les efforts des communautés de base sont essentiels pour répondre de manière dynamique aux situations d’urgence. Ces volontaires sont souvent les premiers sur les lieux d’une catastrophe, fournissent un soutien local décentralisé avant l’arrivée des services officiels de gestion des urgences et peuvent combler les lacunes laissées par les grandes institutions. Toutefois, les lignes directrices relatives à la gestion et à l’intégration des volontaires émergents dans les réponses sont largement absentes des cadres de gestion des urgences. Il est important d’officialiser les cadres de gouvernance collaborative qui incarnent une approche de l’ensemble de la société en matière d’atténuation et d’intervention en cas d’urgence pour reconnaître le rôle des bénévoles émergents tout en veillant à ce qu’ils puissent apporter leur soutien de manière sûre et efficace (Sécurité publique Canada, 2022). 

L’absence de collaboration entre les groupes émergents et les services d’urgence officiels a été observée dans une certaine mesure lors des inondations de 2021 en Colombie-Britannique. Malgré le désir d’aider, il n’y a eu que peu ou pas de coordination formelle entre les groupes civils émergents et la réponse institutionnelle plus large. L’absence de coordination entre les pilotes bénévoles et la province pour l’acheminement des fournitures essentielles aux communautés en est un exemple frappant. La province n’a fourni aucun financement pour couvrir le coût des carburants et des fournitures destinés aux bénévoles (Devlin, 2022). Des lignes de communication saturées et des communautés qui coordonnent une myriade de bénévoles bien intentionnés peuvent nuire à des personnes qui sont rarement spécialisées dans les interventions d’urgence. En outre, en l’absence d’évaluations rigoureuses après les catastrophes, de telles réalités ne sont souvent pas signalées et sont condamnées à se répéter. C’est pourquoi il est de plus en plus important de donner aux volontaires spontanés potentiels les moyens de répondre efficacement et en toute sécurité aux situations d’urgence. La coordination entre les civils émergents et les organisations gouvernementales pourrait également contribuer à accroître l’efficacité et à préserver des ressources limitées. Whittaker et al. (2015) ont postulé que les programmes formels de formation et d’enregistrement des volontaires sont inefficaces pour gérer les volontaires spontanés dans les régions où le volontariat est “très informel et émergent”. Cependant, étant donné que diverses catastrophes sont de plus en plus fréquentes dans certaines zones géographiques, de telles stratégies peuvent s’avérer prudentes pour préparer les volontaires spontanés potentiels aux situations d’urgence et les mettre en contact avec les ressources nécessaires. Ces formations doivent donner la priorité à la sécurité et être adaptées aux besoins spécifiques de la communauté ou de la zone géographique susceptible de connaître un type particulier de catastrophe auquel ces volontaires peuvent répondre.

            Les modèles de gouvernance collaborative précédents ont décrit les moyens par lesquels les secteurs gouvernementaux et non gouvernementaux peuvent coopérer pour partager de nouvelles idées et ressources. L’un de ces modèles est le modèle de collaboration de la Constellation (CCM) (Surman, 2006) (figure 1). Ce modèle peut aider à formuler un cadre de gouvernance collaborative dans lequel les groupes civils ont un siège à la table des négociations pour l’élaboration des stratégies de gestion et d’intervention d’urgence. Grâce au CCM, l’organe directeur dresse de manière proactive un portrait de la capacité de réponse globale d’une communauté et identifie les domaines dans lesquels les intervenants émergents sont susceptibles d’intervenir. Pour que la réponse soit efficace, l’organe directeur est composé de fonctionnaires et de membres de la communauté qui peuvent assurer la liaison avec les volontaires informels. Les équipes fluides, appelées “constellations”, composées presque exclusivement de partenaires dédiés à la gestion de menaces spécifiques, sont beaucoup plus au fait des activités sur le terrain. La simple connaissance des réalités du terrain permet à l’entité dirigeante de maintenir la communication avec les groupes de volontaires et de leur apporter le soutien nécessaire, ainsi que de répertorier plus précisément les événements pour référence ultérieure. Bien que ce modèle serve de structure de gouvernance, il n’est pas conçu comme un plan d’action pour préparer les volontaires civils potentiels.

Fig. 1: Modèle de collaboration de la Constellation par Step Up BC. Destiné à la collaboration entre diverses organisations civiles à but non lucratif, ce modèle est éminemment transférable aux activités de gestion et d'intervention en cas d'urgence.

Johnston et al. (2022) ont également mis au point un modèle d’engagement centré sur la communauté en cinq étapes pour promouvoir la préparation et préparer des cadres de volontaires émergents. Ces étapes sont les suivantes : 1) établissement du profil de la communauté ; 2) liens et connexions relationnels ; 3) renforcement des capacités ; 4) programmes communautaires ; 5) adaptation à l’action locale contre les dangers. Le processus commence par une prise de conscience à haute résolution des capacités, des forces et des faiblesses d’une communauté, sous l’angle de la préparation aux situations d’urgence, par le biais de consultations et de recherches. Une fois identifiées, les vulnérabilités peuvent être atténuées en mettant les communautés en contact avec les ressources pertinentes, en fournissant un soutien législatif et juridique et en élaborant des programmes qui permettent à la population d’assumer des rôles de leadership et de réaction en cas d’urgence. Chaque étape de ce modèle implique une collaboration entre les communautés locales et les agences de gestion des urgences afin de se préparer de manière globale aux futures situations d’urgence.

Fig. 2: Modèle de renforcement des capacités communautaires proposé par Johnston et al. (2022). Ce modèle met en évidence cinq étapes génératives pour une préparation centrée sur la communauté et les principes généraux qui devraient guider la préparation aux situations d'urgence. (Johnston et al., 2022)

Conclusion

Les volontaires émergents jouent un rôle essentiel en soutenant leurs communautés locales en cas d’urgence ou de catastrophe et sont souvent le premier point de contact pour les personnes en détresse. Les inondations de 2021 en Colombie-Britannique ont montré de nombreux exemples de bénévoles émergents utilisant leurs compétences et leurs ressources pour soutenir d’autres personnes au sein de leurs communautés. Les initiatives de préparation sur le terrain et les modèles de gouvernance qui reconnaissent la présence et l’utilité des intervenants émergents peuvent promouvoir une relation de collaboration, de sécurité et de soutien entre les bénévoles et les autorités gouvernantes en cas d’urgence. Ces initiatives mettent l’accent sur une approche de la gestion des situations d’urgence qui s’adresse à l’ensemble de la société. Avec l’intensité accrue des catastrophes climatiques, le moment est venu de jeter les bases de la prochaine génération de systèmes de gestion des urgences qui reconnaissent le rôle des volontaires émergents.

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