“Nous sommes réunis ici sur les terres traditionnelles non cédées du peuple algonquin Anishnaabeg. Les situations d’urgence ne font pas de discrimination fondée sur les antécédents culturels, le patrimoine ou les frontières et peuvent toucher n’importe quel individu ou n’importe quelle communauté. Le partage des connaissances et l’engagement à travailler ensemble nous aident à mieux nous préparer et à mieux répondre aux situations afin que nous puissions tous mener une vie sûre et prospère.”

Reconnaissance des terres prononcée lors du groupe de réflexion sur la gestion des urgences le 7 juinth , 2023.

La Revue canadienne de gestion des urgences (CJEM) tient à remercier les personnes suivantes pour leurs contributions à la réalisation de ce rapport :

Scott Cameron, cofondateur, Emergency Management Logistics Canada – Facilitateur


Sarah Wilkinson, Analyste politique principale, Sécurité publique Canada – Responsable de la logistique

Matt Godsoe, directeur, résilience et intégration économique, Sécurité publique Canada

Alexander Landry, directeur des initiatives stratégiques, CJEM

Alexander Fremis, rédacteur en chef, CJEM

Lona Loeppky-Hickman, équipe éditoriale, CJEM

Mēsha Richard, équipe éditoriale, CJEM

Rosemary Thuss, équipe de rédaction, CJEM

Rosslyn Davidson, équipe de rédaction, CJEM

Groupe de réflexion sur la gestion des urgences : Premières étapes pour faire progresser la gestion des urgences au Canada

La gestion des urgences est une profession complexe et en constante évolution. Les praticiens de la gestion des urgences (GU) et les parties prenantes des secteurs public, privé et à but non lucratif ont une obligation professionnelle unique et une responsabilité morale de définir les tendances émergentes et de les devancer. En reconnaissance de cette responsabilité et de l’évolution du paysage post-pandémique, la Revue canadienne de gestion des urgences (RCGU), Sécurité publique Canada et Logistique de gestion des urgences Canada (LGCU) ont organisé un groupe de réflexion selon les règles de Chatham House le 7 juinth , 2023 avec des participants d’un océan à l’autre et provenant du secteur privé, du milieu universitaire, du gouvernement du Canada et d’organisations non gouvernementales (ONG). L’objectif de ce groupe de réflexion était de réunir des personnes ayant des expériences et des points de vue divers pour discuter et explorer l’avenir de la gestion des urgences (GE) dans le contexte canadien.  Le groupe de réflexion 2023 de la CJEM et du CEDM s’est déroulé dans un espace de conférence fourni par Sécurité publique Canada à Ottawa, en Ontario, et a favorisé un environnement de discussions ouvertes et franches.  

Ce faisant, CJEM et EMLC ont ciblé un échantillon large et diversifié de Canadiens. Bien que le groupe de réflexion n’ait pas complètement atteint ses objectifs de représentation, les efforts des organisateurs ont été importants et sincères, et l’équipe s’est engagée à augmenter la représentation et l’inclusion à l’avenir.

L’activité s’étant déroulée dans le cadre des règles de Chatham House, il n’est pas possible de nommer les participants, mais ils sont représentés :

Organisation / Secteur Les participants
Revue canadienne de gestion des urgences
2
Logistique de gestion des urgences Canada
1
Sécurité publique Canada
3
Académie
6
Organisations non gouvernementales
5
Secteur privé
2
Total des participants
19

Méthodologie

Par groupes de quatre, les participants se sont interrogés à tour de rôle sur quatre questions clés. Il y a eu six tours de questions pour maximiser la discussion. Ensuite, en groupe, les participants ont expliqué leurs réponses et ont inscrit sur un tableau blanc les titres des thèmes, en les classant par ordre de priorité, avec une marque pour “voter” sur la priorité. La conversation a permis d’approfondir ces priorités et de formuler des recommandations sur les premières mesures que le Canada doit prendre pour faire progresser la SE.

Questions clés

Lors de la phase initiale de discussion, les participants ont formé des petits groupes et ont entamé des discussions exploratoires sur quatre questions principales:

  1. Quelles sont les trois politiques/pratiques existantes au Canada qui, si elles étaient étendues, pourraient améliorer de manière significative la gestion de l’environnement au Canada?
  2. Quelles sont les trois réalités actuelles auxquelles il faut s’attaquer pour améliorer sensiblement la gestion de l’environnement au Canada?
  3. Quelles sont les principales possibilités d’améliorer l’éducation, la formation et la technologie en matière d’EM au Canada? et
  4. Que faut-il faire pour renforcer la capacité et la résilience des communautés canadiennes en matière d’EM?

À partir de ces questions, les organisateurs du groupe de réflexion ont guidé les participants dans une série de discussions structurées, d’échanges analytiques et de présentations présentant diverses perspectives sur l’avenir de la GU au Canada.  Ce processus a permis d’identifier plusieurs thèmes clés qui se recoupent, notamment la législation, la politique et le financement, les technologies émergentes et les données sur la SE, ainsi que la résilience et l’autonomisation des communautés.  Les participants ont également débattu des mérites et des défis des normes nationales pour les praticiens de la SE, tant dans la conduite des opérations de SE que dans les certifications de formation et d’éducation. Le présent rapport résume les discussions, les défis et les solutions définis comme prioritaires par les participants.  

Résultats

Législation, politique et financement

Les défis et les améliorations possibles des politiques existantes à tous les niveaux de gouvernement, ainsi que l’allocation des fonds et des ressources associés à ces politiques, ont été des thèmes récurrents dans les discussions du groupe de réflexion.

Par exemple, les participants ont suggéré que les différences de politique entre les organisations et les gouvernements créent des frictions et des risques dans les opérations et la planification de la SE.  Cela est particulièrement vrai si l’on considère la complexité et l’ampleur croissantes des catastrophes au Canada, qui exigent souvent la participation de multiples intervenants dont les mandats opérationnels, les politiques et les procédures opérationnelles normalisées ne sont pas toujours faciles à coordonner. Bien que les participants reconnaissent la difficulté d’une telle démarche, une meilleure intégration des politiques de gestion des urgences au sein des organisations permettrait aux gestionnaires des urgences d’améliorer la collaboration entre les différentes administrations. Il a été noté que les initiatives politiques devraient également prendre en considération les organisations du secteur privé, qui sont de plus en plus importantes pour la gestion des urgences dans le contexte canadien. 

Les participants au groupe de réflexion ont suggéré que la planification basée sur les capacités, soutenue par un financement supplémentaire, pourrait servir d’alternative à la réalité actuelle qui voit les fonds alloués principalement en réponse aux catastrophes, en dehors des programmes de subventions et de contributions profondément enracinés et inflexibles. En outre, la poursuite d’investissements moins tangibles mais plus gratifiants dans la prévention et l’atténuation des risques de catastrophes, par le biais d’une planification adéquate du développement et de projets d’investissement dans l’atténuation des risques (par exemple), pourrait permettre de déplacer davantage l’accent mis sur le financement des opérations de réponse et des programmes de paiement de transfert étroits et décousus. 

Comme pour les contributions financières, les participants ont insisté sur le fait que les praticiens de la GU doivent également organiser et déployer correctement la main-d’œuvre disponible à tous les stades de la GU. Les participants ont généralement estimé que les Canadiens sont de plus en plus sensibilisés aux dangers et aux coûts des catastrophes, ainsi qu’aux conséquences d’une préparation insuffisante. Les praticiens de la GU devraient donc tirer parti de l’attention portée par le public à la GU en encourageant la résilience et la responsabilisation des communautés.  Il s’agit notamment d’élaborer et de mettre en œuvre rapidement des politiques aux niveaux provincial et fédéral pour permettre aux groupes de bénévoles locaux et communautaires de capitaliser sur l’important travail effectué dans le cadre du programme d’aide humanitaire. La théorie veut que l’on y parvienne par l’éducation du public, qui favorise la préparation des citoyens, le développement d’un sentiment de responsabilité personnelle, l’autonomisation et l’adhésion aux initiatives de SE. Les membres de la communauté devraient se sentir responsabilisés, impliqués et préparés, plutôt que de craindre les tendances et les impacts futurs. Les praticiens de la GU devraient donc recourir à des partenariats intégratifs et collaboratifs au sein de leurs communautés, du secteur privé, ainsi qu’avec d’autres professions, telles que les assureurs et les urbanistes.  En d’autres termes, les Canadiens doivent comprendre la réalité pratique selon laquelle, en raison d’une série de facteurs dont la capacité limitée, les ressources gouvernementales ne viendront probablement pas à leur secours dans les premiers stades d’une catastrophe, si tant est qu’elles viennent à leur secours.

Les participants au groupe de réflexion ont simultanément fait valoir que les gouvernements provinciaux et fédéral ne devraient pas transférer la responsabilité principale des GU aux municipalités, aux communautés ou aux organisations de base.  Bien qu’il ait été convenu que beaucoup pouvait être accompli au niveau local pour se préparer aux catastrophes, y répondre et s’en remettre, le changement climatique et d’autres défis systémiques requièrent intrinsèquement une action au niveau stratégique. En effet, si le Système national d’intervention en cas d’urgence et le Cadre de gestion des urgences pour le Canada restent valables, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent prendre des mesures pour réduire activement les risques de catastrophe ou aider les collectivités à s’y préparer – ce qu’ils ne font pas efficacement à l’heure actuelle, malgré leurs positions déclarées.

Les participants ont fait remarquer qu’un financement accru se traduirait directement par un renforcement des capacités. La fréquence et l’ampleur des catastrophes ne cessant d’augmenter, les praticiens locaux de la GU sont souvent à la limite de leur capacité à réagir efficacement.  Les gouvernements provinciaux demandent donc fréquemment une aide fédérale qui, à son tour, exige une réponse des Forces armées canadiennes – une organisation dont les capacités sont elles-mêmes limitées.  Bien que les participants soient conscients que cela nécessiterait une volonté politique importante, les décideurs politiques canadiens devraient envisager la création d’une force de travail spécialisée et financée pour la SE, en s’appuyant immédiatement et de manière urgente sur le travail important du programme de la force de travail humanitaire avec davantage de personnel professionnel et rémunéré. S’il est vrai que l’augmentation du financement se traduirait directement par une augmentation des capacités, les gouvernements fédéral et provinciaux devraient être convaincus que la conception d’un programme de subventions pour la main-d’œuvre de la GU serait bien accueillie et acceptée.

En outre, le financement du système de commandement des incidents (SCI) au Canada devrait être augmenté. Il existe une barrière linguistique importante qui divise les praticiens du  du pays, et le fait d’offrir une formation et des services bilingues en matière de SCI peut combler ce fossé. La formation au SCI devrait être obligatoire pour tous les intervenants, et le Canada devrait encourager la création d’équipes de gestion des incidents. En particulier, il a été noté que les infrastructures critiques et l’assurance des infrastructures critiques nécessitent plus d’attention, de formation et de soutien de la part des gestionnaires des situations d’urgence. Les propriétaires/exploitants d’infrastructures critiques doivent être encouragés à adopter la doctrine du SCI.

Les participants ont également souligné que le financement et la formation devraient donner la priorité au renforcement des capacités locales et de la résilience des communautés canadiennes. Ils ont en outre plaidé en faveur d’une mise en commun des ressources pour la formation et l’éducation en matière de gestion des urgences, ce qui n’a pas été le cas depuis la fermeture en 2012 du Collège canadien de gestion des urgences. Les parties prenantes au financement, telles que les municipalités, les provinces et d’autres, devraient s’efforcer d’intégrer des outils d’atténuation dans les conditions préalables aux propositions de financement. Cela signifie que les critères de financement devraient inclure la réalisation d’une identification des dangers et d’une évaluation des risques, la programmation Fire Smart, la programmation des praticiens de la planification pour les accords de partenariat public/privé, etc. 

Le gouvernement du Canada doit rendre obligatoire une formation spécifique et proactive ainsi qu’un développement professionnel pour les gestionnaires de situations d’urgence dans tout le pays. La formation obligatoire est particulièrement importante pour certains postes et la responsabilité devrait ainsi passer de la motivation personnelle à la réglementation professionnelle. L’International Association of Emergency Managers – Canada est un organisme qui a été identifié comme ayant potentiellement la capacité de soutenir les discussions sur la professionnalisation. 

Technologies émergentes et données de la GU

Comme pour la gestion des ressources financières et humaines, les praticiens de la GU doivent également gérer, allouer et partager correctement les informations et les données. Alors que notre société continue de se transformer numériquement, la culture numérique est plus importante que jamais, et les organisations de la GU doivent faire évoluer leurs pratiques de gestion des données et de l’information. Les participants ont souligné qu’il existe un excès de données brutes sous-utilisées dans la SE. Ils ont émis l’hypothèse que la transformation numérique pourrait commencer par la suppression du cloisonnement inutile des données dans les organisations de GU. Les participants ont reconnu que les praticiens de la GU doivent admettre les limites des données quantitatives et leur utilité pour produire des modèles prédictifs.  Les données ne suffiront pas à résoudre tous les problèmes liés au déploiement et à la gestion des systèmes d’intervention en cas de catastrophe, et les valeurs doivent également être prises en compte dans la prise de décision. Mais ce ne sont pas des excuses pour se soustraire à la transformation numérique de la GU. À ce titre, le gouvernement du Canada a l’occasion de mener le dialogue sur l’établissement de normes nationales pour les pratiques en matière de données de gestion des urgences et sur la création de sources de données ouvertes pour soutenir toutes les phases de la gestion des urgences. Par-dessus tout, les participants ont souligné l’importance de la “sagesse dans l’utilisation des données”.

Dans la plupart des cas, les praticiens de la GU auraient besoin d’une formation à la maîtrise des données.  Les participants ont estimé que, grâce à une combinaison de formation et d’éducation à la maîtrise des données et de messages stratégiques, les praticiens de la GU seraient en mesure d’exploiter les données pour mettre en place des programmes efficaces de réduction des risques, de planification des urgences et de diffusion de messages au public. 

Sur cette base, les praticiens de la GU devraient adopter les technologies émergentes. Il s’agit notamment de tirer parti des avancées technologiques récentes telles que l’intelligence artificielle générative (IA) et l’apprentissage automatique. En outre, nous devrions utiliser la connectivité et la méta-analyse à des fins de prédiction et d’éducation. Le secteur doit améliorer l’accès, la sensibilisation, la compréhension et l’utilisation des données et des informations.

Engagement au niveau communautaire et local

Les participants ont généralement convenu que le public dispose d’un pouvoir important pour apporter des contributions positives à toutes les étapes de la gestion des urgences au niveau local.  Néanmoins, il existe des incohérences entre les communautés locales et au sein de celles-ci en ce qui concerne la prise de conscience de l’importance de la préparation et de la gestion des situations d’urgence. Bien que les participants aient convenu que la sensibilisation à la gestion des urgences augmentait au Canada, il existe des différences significatives dans le taux de croissance de la sensibilisation des communautés à travers le Canada. Les participants ont affirmé que la sensibilisation peut être générée par une variété d’initiatives, y compris des politiques et des communications stratégiques visant à créer une culture de résilience et à accroître la prise en charge par la communauté de la préparation aux situations d’urgence locales. Avec un soutien approprié, les communautés sont souvent plus capables qu’elles ne le pensent : elles sont souvent les premiers intervenants en cas de catastrophe. L’exploitation et le perfectionnement de cette capacité innée permettront de créer et de maintenir des communautés résilientes.  

Les participants ont convenu de l’importance d’une sensibilisation fondamentale à la gestion des urgences et à la préparation aux situations d’urgence au niveau local. La mise en œuvre d’une éducation publique proactive, non limitée aux sujets fondamentaux de la gestion des urgences mais élargie aux compétences et connaissances de base en matière de préparation aux urgences, contribuerait à renforcer la résilience des communautés. Les participants au groupe de réflexion ont aussi généralement soutenu l’idée que l’enseignement de la préparation aux situations d’urgence dans les programmes scolaires serait un facteur important dans l’instauration de cultures durables de résilience au sein de la population canadienne. 

Les intervenants de la gestion des urgences ont la responsabilité d’éliminer le cadre cognitif “nous et eux” du gouvernement et des relations publiques. Pour ce faire, ils doivent s’assurer de l’adhésion des diverses communautés et parties prenantes à la préparation, en partenariat avec les gouvernements plutôt qu’en subordination à ceux-ci, et exposer les communautés aux philosophies de base de la gestion des urgences. Les praticiens de la gestion des urgences devraient aller au-delà des qualifications académiques typiques et impliquer divers points de vue et expériences vécues dans la conversation nationale sur la manière d’améliorer la gestion des urgences.

La réponse anticipée et le pré-déploiement des biens, des personnes et des fournitures, bien avant les événements d’urgence, sont importants pour la résilience de la communauté. Les participants ont souligné l’importance d’établir et d’utiliser de manière proactive des accords permanents avec les fournisseurs de services. En mettant l’accent non plus sur la réponse mais sur la planification basée sur les capacités et les ressources, on augmentera la capacité de résilience des communautés canadiennes face aux catastrophes et on réduira ainsi la dépendance de notre pays à l’égard des “pansements” de capacité que l’on trouve parfois dans l’utilisation des Forces armées canadiennes pour la réponse aux catastrophes.

Formation, éducation, et la GU en tant que profession

La question de la reconnaissance de la médecine d’urgence en tant que profession unique a fait l’objet d’un débat approfondi. Pour ce faire, il faudrait définir un champ d’application général.  La professionnalisation de la médecine d’urgence nécessiterait certainement la contribution et l’adhésion d’un grand nombre de parties prenantes des secteurs public, privé et des organisations à but non lucratif. Les participants ont émis l’hypothèse de la possibilité de rétablir un établissement d’enseignement post-secondaire ou de formation spécialisé dans la gestion des urgences, ce qui permettrait de renforcer les capacités des futurs gestionnaires des urgences et d’asseoir leur identité professionnelle. La professionnalisation de la gestion des urgences passe par la normalisation des rôles, de la formation et de l’éducation. Nous devons améliorer le développement professionnel et les possibilités de formation. Avec la mise en œuvre d’une normalisation nationale, nous pouvons renforcer la professionnalisation du domaine, en rendant la pratique de la gestion des urgences plus indépendante et transparente, à l’abri de toute influence gouvernementale ou extérieure (une meilleure pratique dans les opérations d’urgence en direct). En outre, si certains participants ont jugé utile d’établir des normes nationales de formation et d’éducation pour les gestionnaires des situations d’urgence, d’autres ont estimé que cela réduirait la flexibilité de la communauté de la gestion des situations d’urgence – une caractéristique qui, selon les participants, est d’une importance fondamentale pour le secteur.  L’établissement de normes nationales en matière de GU nécessiterait le soutien des autorités fédérales et provinciales. 

Sur cette base, certains participants ont fait valoir que la gestion des urgences contemporaine au Canada est trop centrée sur le gouvernement. En réponse, les gestionnaires des urgences devraient s’efforcer de favoriser l’engagement civique ainsi que l’éducation et la sensibilisation du public pour que le domaine prospère, ce qui renvoie à la discussion sur la préparation et l’autonomisation des communautés. Les praticiens de la gestion des urgences pourraient mieux utiliser la gestion des volontaires pour y parvenir. Ils devraient s’efforcer d’ajouter des sièges à la table de conversation et d’impliquer divers membres de la communauté, notamment les Premières nations, les Inuits et les Métis, les jeunes et d’autres populations vulnérables. La diversité comprend la représentation de l’ensemble de la géographie du Canada. L’avenir de la GU exige des initiatives menées par les communautés, facilitées et soutenues financièrement par le gouvernement, mais non entravées par les attitudes et les processus bureaucratiques habituels : Après tout, la GU est une question de vie ou de mort, avec des conséquences désastreuses sur le plan financier et communautaire. 

La formation et l’éducation se rejoignent par le biais de la pensée critique et de la capacité d’adaptation. Nous devons donc former les responsables de la gestion des urgences à la complexité, en donnant la priorité à l’établissement de normes nationales, à la formation et à l’éducation, et à l’engagement en ce sens. Il convient d’augmenter le financement des organisations non gouvernementales pour la formation, les possibilités d’expérience sur le terrain et la promotion des connaissances en matière de gestion des urgences. 

Concepts de la GU

Les participants étaient généralement d’accord pour dire qu’un réexamen des piliers (prévention/atténuation, préparation, réaction et rétablissement) et d’autres concepts serait bénéfique pour la communauté de la GU dans son ensemble.  Plus précisément, la planification et la préparation devraient être placées au premier plan de la GU tout en normalisant la réduction des risques de catastrophe et en définissant mieux les différences entre la réduction des risques et les interventions d’urgence. En outre, les praticiens de la GU doivent être proactifs et s’engager dans une planification à long terme au-delà des interventions d’urgence, plutôt que de laisser l’influence extérieure prévisible diriger les événements. Les dirigeants de l’industrie de la GU et les décideurs politiques devraient faire davantage pour éduquer directement le public et l’industrie sur les conséquences de tendances identifiables telles que le changement climatique, ainsi que pour réévaluer la façon dont le risque lui-même est abordé. 

Les plans de GU doivent innover et se développer au-delà du résumé traditionnel du “concept d’opérations”. Par exemple, l’investissement dans des start-ups collaboratives à impact social pourrait permettre d’innover dans la manière dont les praticiens de la GU se préparent à une catastrophe et y répondent, et dans ce qu’ils utilisent. Les praticiens de la GU devraient également utiliser la réflexion sur la complexité des systèmes et la conception de systèmes appliqués. En exploitant les technologies existantes et futures, telles que les logiciels d’analyse ou les systèmes d’information géographique, le secteur de la GU peut améliorer la réponse anticipée et le pré-déploiement des ressources, des personnes et des fournitures. 

Les intervenants de la gestion des urgences doivent également reconnaître et identifier leurs propres limites locales. En nous exprimant dans les forums appropriés sur les faiblesses des politiques et des programmes de gestion des urgences, nous nous soumettons à une norme de responsabilité plus élevée. Nous devrions impliquer les journalistes, les universitaires et nos collègues de la gestion des urgences en tant que professionnels possédant l’expertise nécessaire pour tenir le gouvernement responsable des échecs tels que ceux de la planification du développement ou de l’utilisation inappropriée des terres. Les personnes de tous les points de vue, ethnies, genres et sexualités, capacités et autres identités devraient être représentées dans le dialogue sur la façon d’améliorer le domaine de la gestion des urgences et de rendre le Canada et tous les Canadiens plus résilients.

Recommandations et observations

  1. Développer et poursuivre le travail du programme de développement du personnel humanitaire afin de mettre en place une capacité locale coordonnée de réponse aux urgences en faisant appel à la fois à des volontaires et à du personnel professionnel mieux rémunéré pour la réduction des risques et la gestion des urgences.

  2. Rétablir un établissement de formation en médecine d’urgence normalisé au niveau national, avec un programme d’études normalisé au niveau national qui développe les compétences de base en médecine d’urgence. Inclure dans cette capacité la possibilité de contextualiser la formation et le développement des capacités au niveau régional ou local.

  3. Le gouvernement du Canada devrait diriger le développement d’ensembles de données ouvertes de base sur la GU qui répondent à des besoins d’information généraux, tels que la démographie des communautés, la présence d’infrastructures essentielles et les profils de risque des communautés. La participation des provinces et territoires et du secteur privé est essentielle.

  4. Le gouvernement du Canada devrait diriger l’élaboration d’une stratégie en matière de données et de technologies EM qui soutienne les provinces/territoires, les communautés et les partenaires du secteur privé et leur donne les moyens d’exploiter les technologies et les données afin d’anticiper, de détecter, d’atténuer, de se préparer, de réagir et de se remettre des catastrophes.

  5. Tirer parti de la technologie pour renforcer les capacités d’intervention en cas d’urgence directement dans les communautés, en encourageant la planification proactive des capacités d’intervention en cas de catastrophe par le biais d’accords de niveau de service ou d’accords d’aide mutuelle.

  6. Le gouvernement du Canada doit mettre en place un processus d’examen après action et de saisie des données pour améliorer la façon dont les communautés tirent les leçons des catastrophes et y ont accès.

  7. Les communautés formelles et informelles doivent accepter d’être habilitées, responsables et redevables de la gestion des urgences grâce à un cadre accessible et réalisable pour la planification et la gestion des catastrophes à l’initiative de la communauté.

  8. Le gouvernement du Canada et tous les organismes de gestion des urgences doivent communiquer directement et clairement le rôle et les responsabilités du public dans la préparation et la réponse aux urgences au niveau de la communauté, du quartier, du ménage et de l’individu.

  9. Le système national d’intervention en cas d’urgence, ainsi que d’autres systèmes de gestion des urgences, doit être directement orienté vers les communautés afin d’élargir le spectre des capacités et des ressources dont elles disposent en matière d’atténuation des catastrophes, de préparation, d’intervention et de rétablissement.

  10. Les populations autochtones, les jeunes et les populations vulnérables doivent toujours être impliqués dans la gestion des situations d’urgence et l’aménagement du territoire.

  11. Par défaut, les partenaires financiers, les municipalités, les provinces/territoires, les promoteurs de projets, etc. doivent produire une identification des dangers et une évaluation des risques, une documentation sur le programme Fire Smart ou une preuve de l’utilisation d’autres outils d’atténuation des catastrophes comme conditions préalables à l’utilisation des terres et aux propositions de développement. Les accords de subvention et de contribution ainsi que les processus d’admission doivent intégrer des pratiques de réduction des risques de catastrophes.

  12. Incident Command System Canada a besoin d’un financement plus important de la part du gouvernement canadien pour développer son programme de formation, ses offres de formation et son multilinguisme.

Conclusion

La GU est un domaine exceptionnellement complexe. Il s’agit d’une collaboration en constante évolution entre des individus de tous les niveaux de gouvernement, des communautés et du secteur privé qui travaillent dans des situations et des environnements difficiles sur le plan psychologique et physique. Le groupe de réflexion sur la gestion des urgences 2023 de la CJEM et du CEDM, qui s’est tenu le 7 juinth , a facilité une conversation importante avec un certain nombre de points de vue sur les principaux problèmes et les principales solutions en matière de gestion des urgences au Canada.  C’est avec beaucoup d’espoir, un esprit constructif et un sens de la curiosité et du devoir que nous publions ce rapport à l’intention des décideurs, des universitaires et des praticiens. 

  ©2022 Canadian Journal of Emergency Management