Détermination des Zones de Planification des mesures d’urgence (ZPU) autour de sites présentant des risques d’accidents technologiques majeurs

Yves Dubeau
Ingénieur professionnel et consultant en gestion des risques et en préparation aux situations d’urgence;

Conseil d’administration, Conseil pour la réduction des accidents industriels majeurs (CRAIM).

Éric Clément
Président, E-risk;

Conseil d’administration, Conseil pour la réduction des accidents industriels majeurs (CRAIM).

Dimitri Tsingakis
Président-directeur général de l’Association industrielle de l’Est de Montréal;

Conseil d’administration, Conseil pour la réduction des accidents industriels majeurs (CRAIM).

Pierre Drolet

Conseil d’administration, Conseil pour la réduction des accidents industriels majeurs (CRAIM).

Résumé

Cet article présente une méthodologie qui permet d’établir les zones de planification des mesures d’urgence autour d’un établissement où se retrouvent des matières dangereuses.  L’identification de ces zones est critique pour la préparation des plans d’urgence par l’établissement visé et par les services d’urgence publics pour bien protéger la communauté environnante.  Une démarche détaillée visant la réduction des distances d’impact des accidents potentiels est également présentée.  Un exemple concret d’une installation de réfrigération à l’ammoniac est fourni pour fins d’illustration.

Mots clés :  Planification des mesures d’urgence, matières dangereuses, scénarios d’accidents, modélisation

Introduction

Se préparer à répondre à un accident technologique majeur impliquant des matières dangereuses n’est pas une tâche simple.  Les matières dangereuses possèdent en effet des caractéristiques qui doivent être connues des premiers répondants avant qu’ils n’aient à intervenir à la suite d’un accident.  La règlementation sur les urgences environnementales (RUE) d’Environnement et Changements Climatiques Canada (ECCC) exige l’élaboration d’un plan d’urgence environnementale (PUE) pour les établissements qui possèdent une ou plusieurs matières au-delà de quantités et concentration seuils stipulées dans le règlement.   Cet article présente un processus rigoureux qui a été utilisé par plusieurs établissements pour identifier les zones de planification des mesures d’urgence (ZPU), une composante essentielle du PUE.  Les premiers répondants devraient s’assurer que les établissements présents dans leur juridiction ont suivi un processus semblable afin de bien se préparer à faire face à une éventuelle situation d’urgence.    De plus, des comités locaux de planification tels les CMMIC (comités mixtes municipalité-industries-citoyens) au Québec peuvent être créés afin de partager les informations relatives aux risques présents sur le territoire, préparer des plans d’urgence communautaires et des plans de communication à la population susceptible d’être affectée par des accidents, une exigence règlementaire du RUE fédéral. L’exigence d’identification des ZPU apparait aussi dans la norme ACNOR Z246.2

Identification des propriétés des matières dangereuses

Les matières dangereuses sont très nombreuses et les conséquences découlant d’un accident les impliquant peuvent être très différentes d’une substance à l’autre.  Typiquement, les matières sont classées comme toxiques pour la vie, inflammables et/ou réactives.  La fiche de données de sécurité de chaque substance (FDS) doit être revue soigneusement pour bien comprendre ses propriétés.

  

Toxicité

Il existe plusieurs façons de présenter le niveau de toxicité d’une substance.  Par exemple, des limites d’exposition chronique pour les travailleurs existent et sont bien documentées pour la plupart des matières couramment utilisées (VEMP, VECD, DIVS, etc.).  Pour les cas d’exposition aiguë de la population à la suite d’un accident, des critères de protection ont été développés (¨PAC¨ pour ¨protective action criteria¨) et sont rapportés préférentiellement par les AEGL-1 (effets transitoires mineurs), AEGL-2 (effets irréversibles ou susceptibles d’empêcher la prise de mesures d’évitement ou de protection par les personnes affectées) et AEGL-3 (effets létaux).  Il existe également d’autre valeurs seuils pour l’expositions aux matières toxiques, tels que les ERPG et qui pourraient servir en l’absence de valeurs AEGL.  Par exemple, pour l’ammoniac anhydre les valeurs suivantes existent: 

VEMP (valeur d’exposition moyenne pondérée – 8 heures/jour – 40 heures/semaine): 25 ppm

VECD (valeur d’exposition courte durée – 15 minutes): 35 ppm

DIVS (danger immédiat pour la vie et la santé): 300 ppm

AEGL-1 (acute exposure guideline) : 30 ppm (60 minutes – d’autres valeurs existent pour différentes durées d’exposition pour les 3 niveaux d’AEGL)

AEGL-2: 160 ppm (60 minutes)

AEGL-3: 1 100 ppm (60 minutes)

La préparation des PUE est normalement basée sur les valeurs AEGL pour déterminer les impacts de toxicité sur la population hors site d’un établissement (voir la référence de la note 2).

Note:  La toxicité pour la faune et la flore n’est pas prise en compte dans cet article.

 

Inflammabilité

Une substance inflammable est normalement caractérisée par son point d’éclair (pour les liquides inflammables) et par ses limites d’inflammabilité (en pourcentage volume dans l’air pour les vapeurs et les gaz).  Des limites inférieures et supérieures d’inflammabilité (LII et LSI) sont disponibles dans la littérature.  En dehors de ces valeurs, le mélange air/vapeur est soit trop pauvre (sous la LII) ou trop riche (au-delà de la LSI) pour brûler ou exploser.  Une perte de confinement d’une substance inflammable peut résulter en une dispersion de vapeurs/gaz sans allumage, en un feu de flaque, en un feu de torche ou en un retour de flamme (flash fire) en cas d’allumage immédiat ou retardé.  Sous certaines conditions d’encombrement et/ou de confinement et de réactivité de la substance, une explosion pourrait se produire. 

Note:  Une substance peut-être à la fois toxique et inflammable.  C’est le cas par exemple pour l’ammoniac anhydre qui possède une LII de 16% et une LSI de 25% de concentration dans l’air.

 

Matières réactives

Certaines matières sont instables et/ou peuvent se décomposer ou réagir plus ou moins violemment lorsqu’exposées à de la chaleur ou mélangées avec des matières incompatibles telles que l’eau, les oxydants, les acides, les bases, certains métaux, etc.   Il est hors du sujet de cet article de discuter de ces cas particuliers.  Les lecteurs sont invités à consulter les FTS des matières pour évaluer correctement leurs limites ou particularités. 

Identification des scénarios de planification des mesures d’urgence

Il est essentiel que les scénarios de planification des mesures d’urgence soient déterminés en utilisant une analyse des risques rigoureuse et ne soient pas seulement basés sur l’expérience parfois limitée des personnes.  Plusieurs normes (telles les CSA Z767-17, CSA Z246.2 and ISO 31000-18) et méthodes (par exemple les ¨What-if¨ et ¨HAZOP¨) sont disponibles à cet effet.  Une analyse de risques suit normalement les étapes suivantes:

  1. Réunir une équipe multidisciplinaire;
  2. Rassembler l’information sur les installations à l’étude (P&ID’s, schémas d’aménagement, procédures d’exploitation, etc.);
  3. Établir des critères d’analyse et d’évaluation des risques;
  4. Identifier les dangers (selon la méthode d’analyse utilisée);
  5. Identifier les évènement potentiels (scénarios d’accident);
  6. Analyser et évaluer le risque de chacun des évènements;
  7. Proposer des mesures de réduction des risques à un niveau acceptable, si nécessaire;
  8. Évaluer le risque résiduel;
  9. Implanter les mesures de réduction des risques identifiées;
  10. Sélectionner les scénarios de planification des mesures d’urgence qui seront inclus dans le PUE. Ces scénarios devraient être ceux dont le niveau de risque résiduel est le plus élevé (combinaison de la gravité des conséquences et de la probabilité d’occurrence).  Pour des niveaux de risques semblables, on utilisera les scénarios dont la gravité des conséquences est la plus élevée.  Des modélisations détaillées des conséquences (p. ex. pour la dispersion des gaz toxiques, incendies et explosion) peuvent être très utiles pour en évaluer la gravité.

Note: Des scénarios bien documentés sont parfois disponibles pour des installations courantes.  L’entreposage et la distribution du propane en est un exemple. Il demeure toutefois important que le personnel de l’établissement revoie rigoureusement l’applicabilité de tels scénarios aux installations à l’étude avant de les utiliser.  D’autres scénarios pourraient aussi s’appliquer dans un établissement donné selon ses particularités.

Établissement des zones de planification des mesures d’urgence (ZPU)

Lorsque les scénarios de planification des mesures d’urgence ont été identifiés, leurs conséquences doivent être modélisées en utilisant des modèles/outils de calcul de la dispersion d’un nuage de gaz toxique et/ou des effets d’un incendie et/ou d’une explosion.  On doit faire preuve de précaution dans l’interprétation des résultats qui doivent être considérés comme des ordres de grandeur et non des valeurs absolues pour les raisons suivantes :

  • Les modèles et logiciels présentent des estimations découlant des hypothèses et des simplifications inhérentes à leur conception. Ils peuvent ainsi difficilement représenter toutes les caractéristiques d’un secteur donné (p. ex. La topographie du site, la présence de bâtiments et d’obstacles, etc.);
  • Les accidents se produisent rarement exactement tel que prévu par les analyses de risques. Par exemple, les conditions de procédé et météorologiques au moment d’un accident réel peuvent différer grandement de celles utilisées lors des modélisations. 

La modélisation des conséquences d’un accident comporte trois étapes séparées mais interreliées :

  1. Calcul du terme source : ceci consiste à calculer la quantité ou le taux de fuite d’une substance dangereuse dans l’environnement. Ce calcul, basé sur la mécanique des fluides, dépend des conditions de procédé, de la dimension de la brèche de la fuite et des propriétés physiques et thermodynamiques de la substance relâchée;
  2. Modélisation de la dispersion: ceci consiste à estimer la dimension et le comportement du nuage de gaz et/ou de la flaque de liquide qui sera relâché en fonction des caractéristiques de la substance, des conditions météorologiques et de la morphologie du terrain;
  3. Évaluation des conséquences: en fonction des propriétés de la matières (inflammabilité, toxicité), les zones d’impact doivent être évaluées selon les conséquences possibles telles que :
    1. Effets toxiques sur les employés du site et les voisins hors-site;
    2. La radiation (ou dose) thermique résultant d’un feu de flaque, d’un feu de torche, d’un retour de flamme;
    3. La surpression résultant d’une explosion, si applicable.

Une discussion détaillée des unités de mesure et des seuils d’effet utilisés aux fins de planification des mesures d’urgence dépasse l’objectif de cet article.  Le tableau suivant présente des valeurs utilisées couramment.

Tableu 1: Valeurs de référence des seuils d’effets pour la planification des mesures d’urgence.

Plusieurs logiciels permettent d’effectuer les calculs mentionnés précédemment.  Quelques-uns sont gratuits (RMP Comp©, ALOHA©) mais comportent d’importantes limitations. D’autres sont plus complets, mais sont beaucoup plus dispendieux (exactitude et disponibilité de modèles de calcul plus complets) et souples dans leur utilisation (PHAST©, FLACS©, etc.).  La sélection et l’utilisation du logiciel aux fins de détermination des zones de planification des mesures d’urgence est critique pour la sécurité du public et doivent être effectuées par un professionnel compétent en la matière pour s’assurer que le choix des modèles, des paramètres d’entrées et les résultats sont valides. 

Lorsque les zones de planification ont été déterminées, elles devraient être utilisées pour :

  1. Identifier les usages du territoire à l’intérieur des zones, spécialement ceux qui sont sensibles tels les hôpitaux, écoles, etc. car les ressources nécessaires pour sécuriser ces sites seront plus importantes;
  2. Préparer des plans de communication aux personnes potentiellement affectées par un accident pour les informer des mesures de protection qu’elles auront à prendre;
  3. Installer des sirènes et/ou autres moyens de communication et d’alerte au public qui seront utilisés pour alerter la population lorsqu’une urgence survient;
  4. Préparer des procédures spécifiques d’intervention;
  5. Coordonner les plans d’urgence avec ceux des services publics d’urgence;
  6. Vérifier si des mesures de réduction des risques additionnelles sont nécessaires pour réduire les zones d’impact, les probabilités d’occurrences et les effets des scénarios identifiés.

Réduction des zones d’impact d’un scenario d’accident

À la suite de l’analyse des risques et à l’évaluation de leurs conséquences, il est courant pour un établissement de vouloir réduire les zones d’exposition de façon à réduire les impacts sur la population environnante et faciliter la planification des mesures d’urgence.  Des mesures de réduction des risques peuvent être identifiées et présentées à la direction de l’établissement.  Il est utile d’utiliser la hiérarchie des mesures de contrôle des risques pour s’assurer que les mesures suggérées sont suffisamment robustes et fiables pour réduire efficacement la probabilité d’occurrence des scénarios d’accidents et/ou l’ampleur de leurs conséquences.  Cette hiérarchie des mesures de contrôle par ordre d’efficacité est la suivante:

  1. Sécurité intrinsèque: élimination ou réduction du danger à la source via des mesures de substitution, réduction de quantité, simplification et de réduction d’intensité.  Par exemple, l’utilisation d’eau de javel concentrée au lieu de chlore gazeux pour le traitement de l’eau potable;
  2. Mesures passives: celles qui ne requièrent aucune énergie ou dispositif pour fonctionner, telles les digues autour de réservoirs ou les murs anti-feu, etc.;
  3. Mesures actives: Systèmes instrumentés ou non de contrôle et asservissements qui requièrent des équipements de détection et d’action, tels les systèmes de gicleurs d’incendie, etc.;
  4. Systèmes d’alerte: alarmes d’incendie par exemple;
  5. Mesures administratives: Procédures d’exploitation et de maintenance, plans d’urgence, etc.
  6. Équipement de protection individuel (EPI): masque respiratoires, vêtements ignifuges, etc.

Le nombre et le type de mesures à mettre en place dépend de l’envergure du risque à maitriser, i.e. plus le risque est élevé plus les mesures en place doivent être fiables, robustes et variées.  L’utilisation simultanée de divers types de mesures pour un scénario donné peut avoir un effet cumulatif qui permet de réduire sensiblement la probabilité d’occurrence du scenario et/ou l’ampleur de ses conséquences si l’accident devait survenir.   

Exemple pratique: la réfrigération à l’ammoniac

Description du procédé

La figure qui suit représente un système typique de réfrigération à l’ammoniac anhydre.  Une salle mécanique contient un système de compression, un réservoir d’ammoniac liquide à haute pression et un réservoir d’ammoniac liquide froid à basse pression.  Un système de pompage alimente en ammoniac liquide, via un système de tuyauterie, les divers évaporateurs situés à plusieurs endroits dans le bâtiment (typiquement à l’extérieur de la salle mécanique et parfois à l’extérieur sur le toit du bâtiment).   L’ammoniac gazeux à basse pression ayant absorbé la chaleur par évaporation est acheminé vers des compresseurs.  L’ammoniac gazeux comprimé est alors condensé dans le condenseur évaporatif situé sur le toit du bâtiment où la chaleur absorbée est relâchée à l’air ambiant.  L’ammoniac liquide chaud ainsi obtenu est alors retourné vers le réservoir haute pression par gravité.    Ce liquide est ensuite acheminé vers le réservoir d’ammoniac basse pression via une vanne de contrôle de niveau.  Le cycle se répète alors en continu.   

Les compresseurs sont souvent lubrifiés par injection directe d’huile.  Cette huile est récupérée par un système de séparation et de drainage et réutilisée.  Un système de ventilation d’urgence est normalement installé dans la salle mécanique et s’active lors d’une détection d’une haute concentration d’ammoniac.  Le mélange air/ammoniac est alors évacué à l’extérieur du bâtiment.

Figure 1: Réfrigération à l’ammoniac - Schéma d’écoulement simplifié.

Scénarios de planification des mesures d’urgence identifiés

Trois scénarios d’accident présentant des conséquences hors-site potentiellement importantes sont typiquement associés au système de réfrigération mentionné plus haut:

  1. Fuite d’ammoniac liquide ou gazeux dans la salle mécanique. Les vapeurs d’ammoniac générées sont relâchées à l’extérieur du bâtiment via le système de ventilation d’urgence;
  2. Fuite d’ammoniac liquide chaud à la sortie du condenseur évaporatif sur le toit du bâtiment. Le liquide relâché s’évapore et se disperse dans l’environnement;
  3. Fuite d’ammoniac liquide froid sur la conduite de sortie des pompes alimentant un évaporateur à l’extérieur de la salle mécanique. L’ammoniac froid forme une flaque sur le toit du bâtiment, s’évapore et se disperse dans l’environnement (une fuite similaire à l’intérieur du bâtiment aurait une zone d’impact hors-site plus réduite puisqu’elle est confinée partiellement par l’enveloppe du bâtiment).  

Ces trois scénarios présentent des risques pour le voisinage de l’installation et devraient être évalués aux fins d’inclusion dans le PUE de l’établissement.

Modélisation des conséquences des scénarios

La modélisation des conséquences pour les trois scénarios mentionnés plus haut doit être calibrée sur les conditions réelles du site à l’étude.  Pour le bénéfice du lecteur, un exemple adapté d’un cas réel est fourni ici.  

  1. Fuite dans la salle mécanique. Le tableau suivant donne les distances d’impact aux limites AEGL (pour une exposition de 60 minutes, via le logiciel PHAST) pour un bris de ¾ de pouce de diamètre sur le réservoir de liquide à haute pression.  Les résultats sont fournis pour deux conditions météo typiques de nuit et de jour. 
Tableu 2: Résultats des simulations – bris d’un raccord de 3/4/ po. dans la salle mécanique (relâche horizontale).

Note: Les calculs montrent que la concentration d’ammoniac dans la salle mécanique atteindrait la LII de 16% après 30 secondes, présentant ainsi un risque d’explosion.

2.  Bris d’un raccord de ¾ de pouce de diamètre à la sortie du condenseur évaporatif sur le toit du bâtiment. Le tableau suivant donne les distances d’impact aux limites AEGL (pour une exposition de 60 minutes, via le logiciel PHAST);

Tableau 3: Résultat des modélisations – Bris d’un raccord de ¾ po. au condenseur (ininterrompu)

3.  Fuite sur un branchement de ¾ pouce sur la sortie de la pompe d’ammoniac basse température sur le toit du bâtiment. Le tableau suivant donne les distances d’impact aux limites AEGL (pour une exposition de 60 minutes, via le logiciel PHAST);

Tableau 4: Résultat des modélisations – Bris d’un raccord de ¾ po. sur la conduite d’ammoniac liquide froid (ininterrompu).

Les résultats de modélisation montrent que ces distances d’impact sont probablement susceptibles d’engendrer des effets hors du site de l’établissement et pourraient toucher des gens qui se retrouvent dans ces zones.  Ces scénarios devraient ainsi être inclus dans la préparation du PUE de l’établissement.  Le scénario présentant la plus grande distance d’impact est la fuite d’ammoniac à la sortie du condenseur évaporatif.  Il devrait ainsi être utilisé comme base pour la planification des mesures d’urgence.   Puisque les autres scénarios représentent des distances moins grandes, en planifiant pour le pire cas, on intègre en quelques sorte les autres cas moins significatifs.

Mesures potentielles de réduction des risques

Plusieurs mesures de réduction des risques peuvent être mises en place pour réduire les distances d’impact mentionnées plus haut.  Chaque établissement doit examiner les usages du territoire dans son voisinage, le nombre de personnes présentes et la présence d’usages sensibles tels hôpitaux, écoles, résidences de personnes âgées, etc.  pour décider si des mesures de réduction des risques supplémentaires devraient être installées.  Des exemples de telles mesures sont listées ici:

  1. Remplacement de l’ammoniac par un réfrigérant moins dangereux;
  2. Réduction de l’inventaire total d’ammoniac;
  3. Limitation de la présence d’ammoniac à l’intérieur de la salle mécanique uniquement via l’utilisation de fluides de transfert de chaleur ou la relocalisation d’équipements;
  4. Installation d’un système d’absorption de l’ammoniac présent dans l’air évacué par la ventilation d’urgence;
  5. Modification du système de ventilation d’urgence pour faciliter la dispersion rapide du nuage d’ammoniac (p. ex. utilisation de ventilation strobique, augmentation de la vitesse de sortie et orientation verticale du débit) tout en s’assurant de ne pas atteindre la limite inférieure d’inflammabilité de l’ammoniac dans la salle mécanique;
  6. Installation de détecteurs d’ammoniac sur le toit du bâtiment reliés à un système instrumenté de sécurité qui arrête automatiquement les équipements appropriés sur détection de haute concentration (p. ex. pompes, compresseurs, vannes de contrôle, etc.) de façon à réduire la quantité d’ammoniac relâchée à l’air ambiant.

Chaque nouvelle mesure sera évaluée d’abord sur son effet sur la réduction des distances d’impact (en refaisant les modélisations des scénarios) et ensuite sur les coûts associés à son installation. 

L’établissement mentionné dans l’exemple plus haut a décidé de prendre action et de modifier son système de réfrigération de façon à réduire les distances d’impact des scénarios identifiés.  Ces modifications incluent:

  1. La réduction de l’inventaire d’ammoniac par l’élimination du réservoir haute pression;
  2. Le remplacement du ventilateur d’urgence de la salle mécanique par un ventilateur à sortie verticale plutôt qu’orientée vers le bas;
  3. L’installation de détecteurs d’ammoniac sur le toit du bâtiment pour détecter les fuites plus rapidement, reliés à un système instrumenté de sécurité permettant l’arrêt des pompes et compresseurs afin d’interrompre la source d’une fuite d’ammoniac très rapidement.

Les résultats révisés des modélisations à la suite de la mise en place de ces mesures apparaissent aux tableaux suivants.  Les seuils d’effets AEGL de 30 minutes sont utilisés à cause de la durée réduite des relâches d’ammoniac. 

Tableau 5: Résultat des simulations – Bris d’un branchement de ¾ po. dans la salle mécanique (durée 60 secondes).

Une réduction significative de la zone d’impact peut être constatée (de 2 000 à 250m) en simplement changeant l’orientation de la sortie du ventilateur. 

Tableau 6: Résultat des simulations – Bris d’un raccord de ¾ po. au condenseur (durée 60 secondes.

On remarque ici aussi une réduction significative des distances d’impact.

Tableau 7: Résultat des modélisations – Bris d’un raccord de ¾ po. sur la conduite d’ammoniac froid (durée 60 secondes).

On remarque ici également une réduction importante des distances d’impact.

Les mesures de réduction des risques qui ont été installées vont ainsi réduire significativement les risques d’intoxication pour les voisins de l’établissement en cas d’accident tout en facilitant l’élaboration, la mise en place et la communication du PUE du site.

Conclusion

Cet article présente le processus qui devrait être utilisé pour déterminer les zones de planification des mesures d’urgence autour d’un établissement où des matières dangereuses sont présentes.  Le personnel du site et les représentants des services publics d’urgence devraient partager cette information de façon à élaborer et coordonner les efforts de planification communautaires des mesures d’urgence.  La mise en place d’un comité local de planification des mesures d’urgence de type CMMIC (comité mixte municipalité-industries-citoyens) est une façon efficace d’accomplir cet objectif.

Références

Bibliothèque et Archives Canada. (2011). Manuel d’urgence. Direction Régionale de Santé Publique de la Capitale-Nationale. http://www.santecom.qc.ca/bibliothequevirtuelle/hyperion/9782894964378.pdf.

Conseil pour la Réduction des Accidents Industriels Majeurs (CRAIM). (2017). Guide de gestion des risques d’accident technologiques majeurs (septième édition). www.craim.ca.

Gouvernment du Canada. (2022). Règlement sur les urgences environnementales. https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/programme-urgences-environnementales/reglementation.html.

République Française (2014, Oct 17). Guide pratique pour la validation des probabilités des phénomènes dangereux des dépôts de gaz de pétrole liquéfié (GPL) (troisième version).

https://www.ineris.fr/sites/ineris.fr/files/contribution/Documents/dra-13-133211-08941b-dra71-gpl-vf3-1449746814.pdf.

République Française (2015, Feb 27). Guide pour la rédaction des études de dangers des installations de réfrigération à l’ammoniac.

 https://www.ineris.fr/sites/ineris.fr/files/contribution/Documents/dra-14-141532-11390c-guideedd-nh3-1441269436.pdf.

U.S. Department of Energy. (n.d.). Office of Environment, Health, Safety & Security: Protective action criteria (PAC) with AEGLs, ERPGs, & TEELs. https://www.energy.gov/ehss/protective-action-criteria-pac-aegls-erpgs-teels.

 

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