Interview: M. Steve MacBeth, MSC, MSM, CD, Chef des Opérations de Team Rubicon Canada

Steve MacBeth
Chef des Opérations, Team Rubicon Canada

Simon Wells
Directeur, Revue canadianne de gestion des urgences

Note éditoriale

Note éditoriale : l’auteur est le fondateur et le directeur de la Revue canadienne de gestion des urgences. Cette transcription a été éditée pour des raisons de clarté et de longueur, conformément à notre processus éditorial standardisé. Des procédures strictes ont été suivies pour éliminer les conflits d’intérêts potentiels liés à la publication de cette transcription.

Simon Wells a interviewé Steve MacBeth le 7 décembre 2022. Voici la transcription de leur discussion.

Transcript

Question (Simon Wells) : Quel est le “elevator pitch” de Team Rubicon Canada ?

Réponse (Steve MacBeth) : Team Rubicon est une organisation humanitaire dirigée par des vétérans qui sert les communautés mondiales avant, pendant et après les catastrophes et les crises. Lors de l’incendie de forêt de 2016 à Fort McMurray, en Alberta, un groupe de vétérans canadiens s’est mis à l’œuvre. En l’espace de quelques jours, plus de 80 bénévoles d’Australie, du Royaume-Uni et des États-Unis se sont déployés pour apporter “des esprits et des muscles” dans la zone sinistrée. Depuis 2016, Team Rubicon Canada (TRC) a utilisé l’expertise de vétérans militaires, d’intervenants d’urgence et de civils qualifiés pour répondre à plus de 100 missions dans le monde. Nous servons deux communautés : ceux qui ont besoin de services humanitaires et notre communauté de volontaires. Dans le domaine des services humanitaires, la CRT s’adapte à l’échelle nationale pour répondre à l’échelle locale. Nous pouvons nous intégrer aux gouvernements ou opérer de manière indépendante.   Nous assurons la gestion des incidents, l’enlèvement des débris, l’atténuation des risques, la réparation rapide des maisons, la gestion spontanée des volontaires, la gestion des sites et les services logistiques. Nous cherchons à répondre là où le besoin est le plus grand et nous nous épanouissons dans l’ambiguïté et l’austérité. 

Notre communauté d’anciens combattants bénéficie d’un sentiment d’appartenance à la communauté, d’un renforcement de leur identité et de la valeur de leur objectif lorsqu’ils quittent les Forces armées canadiennes ou les services d’urgence. Notre organisation leur donne un sentiment d’utilité grâce à une formation qui va des compétences et des fondements de l’EM à une formation à la résilience mentale qui les aide à retourner à la vie civile. Les opérations et les projets les relient à la société civile canadienne, et les événements de recrutement, de formation et de préparation renforcent la cohésion au fur et à mesure qu’ils suivent leur parcours humanitaire et bénévole.

Figure 1 : Team Rubicon Canada et les membres des Forces armées canadiennes ensemble en réponse à l'ouragan Fiona (automne 2022).

Question : Parlez-moi de vos bénévoles – comment les recrutez-vous ? Sont-ils tous des vétérans de l’armée ?

Réponse : Nos bénévoles viennent de tous les horizons de la société canadienne.  Je suis constamment étonné par la diversité des Canadiens que je rencontre dans nos équipes.  Oui, la TRC est dirigée par des anciens combattants et a ses racines dans la communauté des anciens combattants, mais nous sommes une organisation inclusive. C’est un état d’esprit, pas une qualification.  Nous aimons appeler nos volontaires civils “des civils qui déchirent”. Nous recrutons des volontaires par le biais du bouche à oreille, d’un engagement communautaire délibéré et de divers canaux d’information.  Une fois que quelqu’un est intéressé, nous bénéficions d’un système propriétaire de gestion des volontaires de classe mondiale appelé Roll Call, dans lequel Team Rubicon gère 160 000 volontaires dans le monde entier.  Une personne doit se rendre sur le site www.team-rubicon.ca, cliquer sur le bouton “volunteer” et, grâce à un système automatisé, elle sera inscrite et ses antécédents seront vérifiés.  Elle peut immédiatement commencer une formation en ligne et s’engager auprès de la communauté des volontaires. Après avoir passé la vérification de ses antécédents, elle sera contactée par un responsable régional des volontaires, sera intégrée et aura l’occasion de gagner sa chemise grise.

Question : “Les volontaires en cas de catastrophe sont les premiers à arriver et les derniers à partir. Cette affirmation s’applique-t-elle au Team Rubicon ?

Réponse : C’est vrai, et nous devons veiller à utiliser nos ressources là où elles sont le plus utiles. Nous reconnaissons que nous n’avons peut-être pas l’envergure d’autres organisations, et nous cherchons donc à cibler nos déploiements là où nous pouvons avoir le plus d’effet. Nous avons des capacités qui couvrent le continuum de la réponse, du rétablissement et de la restauration de la résilience, et des volontaires qui sont motivés pour chaque phase. Lors de l’opération d’intervention menée à la suite de l’ouragan Fiona, par exemple, des volontaires de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et de l’Ontario ont été envoyés en Nouvelle-Écosse et sur l’Île-du-Prince-Édouard, où certains d’entre eux résidaient déjà. Les bénévoles qui vivent dans une communauté touchée ont parfois besoin de 72 heures ou plus pour se remettre d’une catastrophe. Lors de l’ouragan Fiona, nous avons activé des éléments en dehors de la zone sinistrée dès que l’ouragan s’est approché des côtes ; nous avons également fait preuve d’agilité en augmentant les ressources tout en accédant aux connaissances locales par l’intermédiaire de nos Greyshirts locaux.

Figure 2: À environ 36 heures de l'arrivée de l'ouragan Fiona, un membre de Team Rubicon Canada charge du matériel dans un camion.

Question : Votre travail est-il basé sur la demande ? Quand commence votre engagement auprès de la communauté ?

Réponse : Nous nous efforçons d’établir des relations avec les communautés grâce à notre réseau national de bénévoles et à un engagement ciblé avec les organisations fédérales, provinciales et municipales de gestion des urgences. Cet investissement dans les relations se traduit par la capacité de communiquer clairement et rapidement en cas de crise. Nous ne nous déployons jamais de nous-mêmes et ne nous activons que sur invitation. Mais nous pouvons approcher les communautés ou les gouvernements de manière proactive, comme nous l’avons fait avec le bureau de gestion des urgences de la Nouvelle-Écosse avant l’ouragan Fiona, pour leur offrir notre soutien. Au cours des six derniers mois seulement, nous avons également participé à des tempêtes de vent Derecho, à des opérations d’atténuation des incendies et à d’autres opérations, et tous ces engagements ont été pris en coordination avec les dirigeants des communautés.

Question : Comment Team Rubicon Canada évalue-t-elle rapidement les conséquences d’une catastrophe afin de déterminer ce qui est nécessaire ? Comment mobiliser rapidement les capacités et les ressources ?

Réponse : Outre notre groupe de volontaires basé au niveau national, nous utilisons des outils sur la plateforme ESRI qui nous permettent de partager des évaluations des dommages et des risques en temps quasi réel. Nous avons également utilisé des outils et des produits de nos partenaires pour nous aider à collecter des données, à assigner des tâches aux différentes équipes dans la zone d’opérations, et à produire une image commune de la situation. Nos équipes de reconnaissance qualifiées et entraînées se déploient spécifiquement pour cartographier les catastrophes et les faire comprendre. Si la technologie échoue, nous pouvons décrire et rapporter la situation avec précision.

Question : Même après avoir commencé à répondre aux besoins immédiats en matière d’intervention et de rétablissement, les communautés touchées par une catastrophe sont toujours débordées. Comment et quand Team Rubicon Canada se retire-t-elle d’une communauté ?

Réponse : Team Rubicon Canada travaille en étroite collaboration avec la communauté touchée et maintient les lignes de communication ouvertes afin de s’assurer que nos capacités sont comprises et que nous pouvons continuer à être utiles. En tant qu’organisation caritative, nous sommes confrontés à la réalité de ressources limitées, notamment en termes de personnel, d’équipement et de finances.  La communication nous permet d’atteindre un équilibre, et nous recherchons toutes les occasions de continuer à revenir pour aider et interagir avec la communauté. Par exemple, nous avons d’abord été déployés à Lytton, en Colombie-Britannique, pendant 85 jours avant de faire une pause, puis nous sommes revenus pour d’autres opérations lorsque nous en avions la capacité. Nous avons également passé beaucoup de temps à l’Île-du-Prince-Édouard récemment et dans tout l’est de l’Ontario après les tempêtes de vent dévastatrices du Derecho.

Question : Comment travaillez-vous avec des partenaires tels que les forces de l’ordre ou d’autres organisations à but non lucratif ?

Réponse : Nous cherchons à nous intégrer à tous les partenaires et à former une équipe efficace sur le terrain. Nous sommes une organisation laïque et apolitique qui se concentre principalement sur les populations touchées. Nous travaillerons avec n’importe qui, à n’importe quel moment, pour atteindre le plus grand bien.  Nous entretenons d’excellentes relations avec les services de police et de pompiers, d’autant plus que nombre de nos membres sont issus de ces milieux et peuvent interagir avec eux. Ils connaissent intrinsèquement les frictions qui existent et savent comment les gérer.  Lors d’un récent déploiement, nos volontaires comprenaient un chef des pompiers de Colombie-Britannique, un vétéran de la Gendarmerie royale du Canada originaire d’Alberta, un vétéran du service de police de Toronto, un chef adjoint des pompiers de Peterborough et un inspecteur de la police provinciale de l’Ontario (en plus d’autres ex-militaires et de fantastiques volontaires civils). Nous disposons donc d’une vaste expérience pour assurer la liaison avec les services d’urgence.

Figure 3: Avant un briefing matinal lors de la réponse à l'ouragan Fiona, avec Team Rubicon Canada, Nova Scotia Power et les Forces armées canadiennes.

Question : Quelle est votre principale priorité au sein de Team Rubicon Canada pour les 1 à 3 prochaines années ?

Réponse : Continuer à rechercher l’excellence dans les services humanitaires. Pour ce faire, nous voulons continuer à aligner nos systèmes et nos efforts sur le paysage humanitaire canadien et être un leader dans la phase de réponse aux catastrophes et aux urgences.  Nous voulons continuer à développer les capacités et les compétences demandées lors des crises humanitaires et établir des liens locaux profonds qui permettent à notre organisation nationale d’agir au niveau local.  Nous sommes conscients de la stratégie nationale d’adaptation et de la stratégie de gestion des urgences pour le Canada et nous pensons que nous sommes bien placés pour aider le Canada à relever les défis énoncés dans ces documents. Nous convenons que les événements climatiques continueront d’augmenter en gravité et en fréquence et que le cadre de Sendai et la réponse de l’ensemble de la société sont la voie à suivre.

Biographies

Biographie de la personne interrogée

Steve MacBeth est né à Moose Jaw, en Saskatchewan, et a rejoint la première réserve des Forces armées canadiennes en 1993. Il a été transféré dans la force régulière en 1996 et a terminé sa formation de base avant d’être affecté à Winnipeg en tant que soldat dans le 2nd Battalion, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry.  Après avoir obtenu son diplôme du Royal Military College en 2003, il a rejoint le 1er Bataillon du Royal Canadian Regiment en tant que commandant de peloton de carabiniers.  Au cours de sa carrière militaire, Steve a occupé plusieurs fonctions, notamment les suivantes :  Commandant du groupement tactique de présence avancée de l’OTAN – Lettonie, chef des opérations du Régiment d’opérations spéciales du Canada et chef d’état-major du 2e Groupe-brigade mécanisé du Canada.  Steeve a participé à de nombreuses opérations à l’étranger, notamment en Bosnie, en Afghanistan et en Lettonie. Steve a quitté les Forces armées canadiennes pour les Forces de défense néo-zélandaises en 2019, où il a servi en tant que commandant adjoint du Queen’s Alexandra’s Mounted Rifles et a occupé divers postes d’état-major. Steve et sa famille ont choisi de quitter le service en uniforme en 2022 et sont rentrés au Canada, où il est aujourd’hui directeur des opérations de Team Rubicon Canada. Une organisation de secours en cas de catastrophe dirigée par des vétérans. Steve est titulaire d’un diplôme de premier cycle et d’une maîtrise du Collège militaire royal du Canada et termine actuellement des études doctorales à l’université Massey, en Nouvelle-Zélande.

Biographie de l’enquêteur

Simon Wells est le fondateur et le directeur de la Revue canadienne de gestion des urgences. Il est un gestionnaire des situations d’urgence certifié qui a exercé de multiples fonctions à plusieurs niveaux de gouvernement. Il est fier de vivre à Scarborough, en Ontario.

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