Le rôle de la sécurité culturelle dans les services de soutiens d’urgence

RESUME

Les incendies de forêt et les inondations de ces dernières années, y compris cette année, ont mis à rude épreuve le système des services de soutien d’urgence (ESS) de la Colombie-Britannique, un programme provincial conçu par Emergency Management BC (EMBC) pour soutenir les personnes évacuées. Après les bilans d’action des saisons de feux de forêt et d’inondations de 2017 et 2018, les approches démontrées des ESS n’ont pas permis de fournir un soutien pleinement adéquat aux communautés autochtones. En m’appuyant sur une thèse de maîtrise qui a été conçue en utilisant des méthodologies de recherche indigène et des principes d’engagement de recherche-action, j’ai posé la question suivante : “Comment les praticiens de la gestion des urgences pourraient-ils intégrer la sécurité culturelle, le respect, l’honneur et la célébration des connaissances traditionnelles autochtones et les pratiques communautaires dans la formation et les pratiques de l’ESS ?” Cet article offrira un résumé des résultats et des recommandations pour une application pratique pour les communautés et les organisations de gestion des urgences à travers le pays.

La première conclusion est un thème lié au contexte et à l’état actuel des évacuations des services d’urgence en 2020. Il s’agit notamment des contextes social et historique, de la juridiction, des rôles et des responsabilités.

La conclusion 2 portait sur les perspectives des participants quant à la définition de la ” sécurité culturelle “, qui comprenait l’identification de compétences spécifiques, l’accent sur les relations de confiance et le lien avec la terre.

La conclusion 3 portait sur le processus d’évacuation et d’inscription, y compris le maintien de la cohésion des familles, le recours à des ” navigateurs ” communautaires (personnes clés connaissant le protocole communautaire et ayant la confiance de la communauté) et les suggestions pour les centres d’accueil dans le processus d’inscription des personnes évacuées.

La conclusion 4 concernait la fourniture de soutiens et de services appropriés aux communautés évacuées, notamment la fourniture d’aliments traditionnels, un hébergement approprié, le transport, la langue, la culture et les protocoles culturels, et l’inclusion des animaux domestiques.

Le résultat 5 porte sur les connaissances et la formation requises pour les professionnels des SSU qui participent à l’évacuation des communautés. Il s’agit notamment du contenu d’une formation adaptée à la culture des SSE, qui doit être codifiée et dirigée par des navigateurs culturels autochtones, ainsi que de l’intégration de l’évaluation et de l’éducation du public.

Le résultat 6 porte sur le thème de la planification et de la préparation et comprend des sous-thèmes sur les relations, la capacité professionnelle, les plans d’urgence et d’évacuation, la préparation personnelle et les soins personnels et le bien-être des intervenants.

 

Mots clefs : Gestion d’urgence, Sécurité culturelle, Autochtone, Soins aux évacuées, Évacuation, Services d’urgences, Feux de forêt, Résilience à un désastre

AUTEURS

Kayla Pepper, Royal Roads University

Traduit de l’anglais original par Valérie te Riele

Introduction

Les services de soutiens d’urgence (SSU) sont un programme du gouvernement provincial de la Colombie-Britannique géré par Emergency Management British Columbia (EMBC) et mis en œuvre dans les communautés par les Premières nations et les gouvernements locaux en réponse à des événements d’urgence de petite ou de grande envergure tels que des incendies de maison, des feux de forêt, des inondations ou des glissements de terrain. Le programme a été conçu afin de fournir une aide à court terme aux personnes évacuées en leur donnant accès à de la nourriture, des vêtements, un abri et des articles quotidiens essentiels (c’est-à-dire des articles d’hygiène personnelle). Les communautés autochtones de la Colombie-Britannique ont été touchées de façon disproportionnée par des situations d’urgence, mais elles ont eu peu d’influence sur la conception et la prestation des services qu’elles reçoivent en tant qu’évacuées et sont encouragées administrer leurs propres services en tant gouvernements des Premières Nations (Mihychuk, 2018). Ce manque de représentation faisant en sorte que les évacués autochtones sont victimes de discrimination, éprouve des sentiments d’exclusion et un manque de sécurité culturelle, puisque les valeurs et les modes de connaissances autochtones sont absents du processus d’évacuation. (Mihychuk, 2018 ; Sharp et Krebs, 2018)

La recherche menée par l’université Royal Roads a été élaborée grâce à des compétences comportementales en matière de relations avec les Autochtones (BC Public Service, 2020), des déterminants sociaux de la santé et de la recherche sur la sécurité culturelle dans les domaines de la santé et des soins aux enfants et aux jeunes (Ball, 2009; Brascoupé et Waters, 2009; Martin, 2012; Owens, 2019). Elle a également exploré les liens étroits entre les connaissances et les expériences autochtones dans la gestion des urgences, tant dans la littérature évaluée par des pairs (Becker et coll., 2008; Dicken, 2007; Poole, 2019) que dans des comptes rendus post-évènements des incendies de forêt et des inondations survenus en Colombie-Britannique au cours des cinq dernières années (Abbott & Chapman, 2018 ; Sharp & Krebs, 2018 ; Shields, 2018 ; Verhaeghe et al., 2019). La méthodologie globale, la conception de l’étude, les méthodes de collecte des données, les méthodes d’analyse des données, les mesures de validité et les considérations éthiques étaient fondées sur la recherche autochtone et les méthodologies de décolonisation (Kovach, 2009; Strega & Brown, 2015), les concepts de « doubles perspectives » (Colbourne et al, 2019; Marshall & Bartlett, 2018) et sur « responsabilité relationnelle » où « les systèmes de connaissances sont construits sur les relations que nous avons non seulement avec les gens ou les objets, mais sur les relations que nous avons avec le cosmos, les idées, les concepts et tout ce qui nous entoure » (Wilson, 2001, p. 177). Des relations solides sont essentielles à la création du changement. Cette recherche explore donc la question suivante : « De quelles manières est-ce que les intervenants en gestion des urgences pourraient-ils intégrer la sécurité et le respect culturel, l’honneur et la célébration du savoir traditionnel autochtone ainsi que les pratiques communautaires dans la formation et les procédures des SSU? »

Méthodologie

Cette question de recherche a été explorée dans le cadre de trois séances virtuelles en petits groupes avec 23 professionnels de la gestion des urgences ou de l’organisation de soutien des SSU de communautés autochtones, ainsi que de cinq entretiens individuels semi-structurés. Les cinq principes de sécurité culturelle – partenariats, connaissances personnelles, protocoles, processus et objectif positif – ont été utilisés (Ball, 2009). Les méthodes de groupe ont été conçues sur les bases du Circle Way (Baldwin & Linnea, 2010) et se sont concentrées sur la manière dont les intervenants définissaient la sécurité culturelle dans le SSU, sur les actions à entreprendre et sur la manière dont la sécurité culturelle pouvait être mesurée. Les méthodologies de recherche autochtones (Kovach, 2009), les méthodologies de décolonisation et les principes d’engagement de la recherche-action étaient au cœur de ce projet. Plutôt que de forcer les récits des participants à s’adapter aux méthodologies choisies pour l’étude, la chercheuse est restée flexible aux processus génératifs de collecte de données en utilisant une approche de « bricolage » telle que décrite par Steinburg (2006, p. 119); « en prenant des stratégies de recherche à partir d’une variété de disciplines et de traditions savantes lorsqu’elles sont nécessaires dans le contexte de la situation de recherche » (Lowan-Trudeau, 2012, p. 116).

Parmi les autres influences méthodologiques, on compte l’intersectionnalité, la recherche-action participative (RAP) féministe (Gatenby et Humphries, 2000 ; Gopaldas, 2013 ; Smooth, 2013) et l’enquête appréciative (Agger-Gupta et Perodeau, 2016; Bushe, 2005, 2012). La chercheuse a été attiré par la recherche-action participative (RAP) et la recherche féministe puisqu’elles ont été « développées par des chercheurs visant l’implication, l’activisme et la critique sociale dans le but d’un changement libératoire ». (Gatenby & Humphries, 2000, p. 89). L’enquête appréciative complète ces méthodologies, car « en tant que méthode de recherche, elle ne s’intéresse pas à la découverte de ce qui est, mais à permettre à un collectif de découvrir ce qui pourrait être » (Bushe, 2012 p. 14). Après une situation d’urgence, les bilans post-évènement accentuent habituellement ce qui n’a pas fonctionné. Cependant, la chercheuse a choisi de concentrer les conversations des participants sur la manière dont ils pourraient façonner un avenir plus sûr et plus inclusif dans les SSU. « L’élément critique d’un processus d’enquête appréciative (EA) consiste donc à explorer les possibilités d’appréciation et ce qui pourrait être fait plutôt qu’une réparation axée sur le déficit de quelque chose qui a mal tourné » (Agger-Gupta et Perodeau, 2016, p. 2). Ce mélange méthodologique se fonde sur la recherche culturellement sécuritaire puisque l’accent fût placé sur les conversations de soutien, fondées sur les forces et axées vers des solutions.

Une fois les données recueillies, une méthode de codage in vivo a été utilisée pour analyser les données sur la base des mots prononcés verbatim par les participants (Saldana & Omasta, 2017). Les informations ont été organisées en codes thématiques, qui sont ensuite devenus le fondement des résultats, des conclusions et des recommandations.

Résultats et discussion

Les six conclusions suivantes ressortent de l’analyse des données.

Le premier constat est la création d’un thème lié au contexte et à l’état actuel des services d’urgence et des évacuations en 2020. Il s’agit notamment des contextes sociaux et historiques, des compétences, des rôles et des responsabilités. Le deuxième constat porte sur les perspectives des participants quant à la définition de la « sécurité culturelle », comprenant l’identification de compétences spécifiques, l’accent sur les relations de confiance et le lien avec la terre. Le troisième constat évoque le processus d’évacuation et d’inscription, y compris le maintien de la cohésion des familles, le recours à des « navigateurs » communautaires (personnes clés connaissant le protocole communautaire et ayant la confiance de la communauté), et des suggestions pour les centres d’accueil dans le processus d’inscription des personnes évacuées. Le quatrième constat mentionne l’importance de fournir du soutient et des services appropriés aux communautés évacuées, notamment un service alimentaire offrant des mets traditionnels, un hébergement et un transport approprié, des moyens de communication respectant les dialectes régionaux, une communauté culturelle, des protocoles culturels respectant les traditions des évacuées ainsi que l’inclusion des animaux domestiques. Le cinquième constat porte sur le niveau de connaissance et la formation requise de la part des intervenants du SSU participant à l’évacuation des communautés. Il s’agit notamment l’adaptation du contenu des formations des SSU par l’entremise d’un navigateur culturel afin de sensibiliser les intervenants aux besoins culturels des évacuées ainsi que de l’intégration de l’évaluation et de l’éducation du grand public. Le sixième et dernier constat évoque le thème de la planification et de la préparation. Il comprend des sous-thèmes sur les relations, la capacité professionnelle, les plans d’urgence et d’évacuation, la préparation personnelle et les soins personnels et le bien-être des intervenants.

Il est évidement que les SSU ne sont pas des systèmes fermés. Ils sont intimement liés aux systèmes et organisations plus vastes en matière de gestion des urgences et de santé en Colombie-Britannique et au Canada. Les activités de gestion des urgences s’inscrivent également dans un contexte historique et culturel unique liant des intervenants et des évacués. Le participant 17 a souligné l’importance de comprendre « que la culture affecte notre vision du monde, la façon dont nous vivons les catastrophes, les antécédents de traumatismes intergénérationnels, les traumatismes passés, les pensionnats, les pandémies passées et même la dynamique du pouvoir ». Ce contexte est fondamental pour comprendre les résultats, les recommandations et les conclusions de cette recherche.

Les participants ont défini la « sécurité culturelle » dans le contexte des SSU et ont formulé des recommandations afin qu’un système de soins aux évacués qui soit culturellement sécuritaire, pertinent et favorable au bien-être holistique de toutes les personnes et de ceux qui s’en occupent (y compris le bien-être mental, émotionnel, spirituel et la sécurité physique) soit réimaginé. Ce groupe crée donc ensemble la définition de la « sécurité culturelle dans les services de soutien d’urgence » comme étant : « la création d’espaces sécuritaires, exempts de discrimination, où chaque personne, famille et communauté autochtone peut continuer à pratiquer leur culture même lorsqu’elles seront déplacées. Les intervenants des SSU accompagnent les évacués avec humilité, écoute active, gentillesse, compassion, respect et considération pour leur bien-être mental, émotionnel, physique, spirituel et culturel et celui des autres. »

Les résultats de la recherche ont été présentés dans un rapport de recommandation partagé avec les participants afin obtenir leur avis et leur validation avant d’utiliser ces données dans une thèse. Une réunion avec les partenaires de l’EMBC à l’automne 2020 a été organisée afin de hiérarchiser les actions et concevoir un plan d’action. Afin de soutenir un processus de changement systémique ayant des effets à long terme, les recommandations ont été organisées à l’aide du cadre de Margo Greenwood, qui décrit trois couches interconnectées de changement structurel, de changement de système et de prestation de services pour soutenir l’intégration de la sécurité culturelle dans le système de soins de santé de la Colombie-Britannique (Greenwood, 2019).

Résultats de la recherche

Sur la base des résultats de ce projet de recherche, de la littérature et des réalités organisationnelles de l’EMBC, cette section présente six résultats pertinents.

Résultat 1 : Un cadre de sécurité culturelle est nécessaire au sein les SSU
Le projet de recherche a révélé que le programme bénéficierait d’une collaboration avec des partenaires autochtones pour élaborer, mettre en œuvre et conjointement évaluer un cadre général de sécurité culturelle au sein des SSU. Un tel cadre permettrait de regrouper les concepts et les engagements en matière de sécurité culturelle au sein du programme SSU et de son programme guide. Les principes de la pensée systémique permettent également de s’assurer que tous ceux qui doivent être impliqués le sont, et que des changements positifs se produisent à travers les multiples couches du système. (Senge, 2006 ; Stroh, 2015)

L’analyse systémique est essentielle pour transformer les équipes des SSU en organisations axés sur apprentissage prêtes à fournir des résultats « fondés sur le lieu » ou une « approche systémique globale » en « s’éloignant des structures cloisonnées et des mesures programmatiques de la réussite » pour plutôt écouter profondément et renforcer les partenariats au nom de stratégies et d’objectifs communs (Stroh, 2015, p. 63). Cette approche s’aligne sur le cadre international de gestion des urgences Sendai pour la réduction des risques de catastrophe, qui promeut une approche de « toute la société » pour accroître la résilience des communautés aux catastrophes grâce à une collaboration interagences et intercommunautaire entre tous ceux qui jouent un rôle de soutien des personnes touchées par les situations d’urgence (Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe, 2015).

Résultat 2 : La sécurité culturelle doit être un résultat des pratiques des SSU
Bien que les définitions de la « sécurité culturelle » varient, certaines compétences comportementales et pratiques communes seraient bénéfiques à toutes les personnes qui offrent ou reçoivent des services des SSU. Les participants ont défini la sécurité culturelle comme la création d’espaces sécuritaires, exempts de discrimination, où les peuples, les familles et les communautés autochtones peuvent continuer à pratiquer leur culture même lorsqu’ils seront déplacés. Cet objectif est atteint lorsque les intervenants des SSU accompagnent les personnes évacuées avec humilité, écoute ouverte, gentillesse, compassion et respect, et en tenant compte de leur propre bien-être et de celui des autres sur les plans mental, émotionnel, physique, spirituel et culturel. Pour travailler dans un contexte interculturel, il faut adopter une « approche à doubles perceptives » qui respecte et soutient les modes de connaissance autochtones et occidentaux. Cette définition de la sécurité culturelle dans les SSU s’accorde avec les définitions existantes de la sécurité culturelle que l’on trouve dans la documentation, notamment lorsque les « pratiques dangereuses » sont définies comme « toute action qui diminue rabaisse ou prive de son pouvoir l’identité culturelle et le bien-être d’une personne » (Cooney, 1994, cité par Brascoupe et Waters, 2009, p. 6).

Lorsque les participants ont décrit ce à quoi ressemblait la sécurité culturelle en action, ils ont utilisé des expressions comme « rencontrer les gens là où ils sont » et « l’accompagnement en fonction de ce qui est le mieux pour les évacués et de ses différents besoins culturels. » Cette approche recoupe la façon dont Jessica Ball définit la sécurité culturelle soit « un engagement respectueux qui soutient de nombreux chemins vers le bien-être » (2017).

La sécurité culturelle implique également le transfert du pouvoir de décision aux communautés autochtones. Cependant, comme l’a fait remarquer un participant de la Colombie-Britannique, bien que ce transfert soit bien accueilli, les communautés des Premières Nations ont également besoin de ressources financières et de personnel pour planifier, répondre et se remettre des situations d’urgence (participant 10). Cette conclusion confirme que la sécurité culturelle doit devenir un résultat suite à l’intervention des SSU.

Résultat 3 : Faire appel à des visages familiers; créer des espaces familiers
Deux des plus grands points influençant les résultats d’une évacuation culturellement sécuritaire sont l’engagement des représentants de la communauté et la mise en place d’espaces familiers pour accueillir et héberger les évacués. Au cours des étapes initiales de l’évacuation et de l’inscription, les participants autochtones de la Colombie-Britannique ont partagé une grande partie des points mentionnés par Poole (2019). Les participants des deux études ont mentionné l’importance de garder les membres d’une famille ensemble, de clarifier les rôles et les responsabilités des juridictions, de maintenir une communication ouverte et d’engager les membres de la communauté à aider la Croix-Rouge et, en Colombie-Britannique, les services de soutien d’urgence. Les participants de la Saskatchewan ont également parlé de la nécessité pour les organismes de soutien aux évacués de « travailler en tandem avec la population locale de manière plus efficace pour améliorer les expériences d’évacuation » (Poole, 2019, p. 75). L’implication d’une personne familière aux membres de la communauté pourrait créer un environnement accueillant pour les évacués et ainsi appuyer leur bien-être émotionnel et mental. Un aîné de Pelican Narrows a également recommandé d’utiliser une approche fondée sur le « principe de Jordan » pour les services d’urgence (Poole, 2019, p. 60). Ceci fait écho aux commentaires d’un participant de la Colombie-Britannique qui a déclaré que les services devraient d’abord être fournis aux évacués et que les formalités administratives devraient être réglées par la suite (participant 15).

L’établissement de centres d’accueil familiers fournis aux évacués est une pratique sage partagée par les universitaires et les intervenants de la gestion des urgences et des soins de santé. Ces installations pourraient être basées dans des communautés autochtones voisines non touchées ou être établies dans des centres gouvernementaux locaux, mais conçues en fonction des valeurs autochtones (c’est-à-dire les centres d’aide sociale Māori établis après le tremblement de terre de 2010 (Yumagulova et coll., 2019)).

Résultat 4 : Prestation de services souples, adaptables et globaux.
Bien que le programme de SSU ait une liste fixe de services admissibles (nourriture, vêtements, logement, frais accessoires, soutien émotionnel), la flexibilité et l’adaptabilité sont essentielles pour garantir que ces services soient fournis d’une manière chaleureuse, culturellement sécuritaire et inclusive. Plusieurs facteurs influencent la façon dont une personne perçoit sa santé et sa sécurité pendant une situation d’urgence. Les participants ont mentionné les difficultés à bien balancer entre « travailler avec une entité bureaucratique [EMBC] qui fait de nous les exécutants des politiques et procédures et… le besoin de flexibilité dans la façon dont nous aidons les gens et comment nous les soutenons » (Participant 5). La résilience culturelle est une conséquence majeure des pratiques culturelles de sécurité. De plus, les organismes de soutien aux évacués (y compris les SSU, le CSI, la FNHA et la Croix-Rouge) doivent s’unir pour offrir un soutien global aux évacués. Les participants ont recommandé que les organismes s’assurent, premièrement, qu’ils soient sollicités et invités dans la communauté et, deuxièmement, qu’ils travaillent en étroite collaboration avec les dirigeants communautaires et les autres organismes. Lorsque les partenaires collaborent pour trouver des solutions axées sur la communauté, la sécurité culturelle est plus facilement réalisable.

Résultat 5 : Élargir la formation culturellement sécuritaire et pertinente, et transformer les équipes des SSU en organisations en constante évolution
Les participants ont préconisé qu’une formation sur les SSU culturellement sécuritaire et pertinente soit mise à la disposition de tous les intervenants et évaluée par des intervenants autochtones de la gestion des urgences. D’autres efforts pourraient également être déployés pour faire des équipes de SSU des organisations en constante évolution.

Si l’on n’encourage pas une culture d’apprentissage continu et que ne sensibilise pas les intervenants à une vision « d’ensemble », les intervenants pourraient avoir du mal à cultiver des liens et la créativité nécessaires pour répondre aux nouveaux besoins des évacués. Cette conclusion découle des commentaires des participants selon lesquels la formation ne peut à elle seule préparer le personnel des SSU à toutes les situations et ainsi, le besoin à ce que les intervenants restent flexibles face à la situation. Un participant a déclaré que même si la formation est « vraiment importante », il faut « observer et réagir, et pas seulement diriger en fonction de l’expérience et de la formation que les praticiens ont reçue » (Participant 4). Cet apprentissage est soutenu par l’établissement de relations et de pratique humble, de sorte que chaque évacuation est considérée comme une occasion d’apprendre quels sont les besoins de la communauté plutôt que d’aborder l’événement avec une idée préconçue de ce que pourraient être leurs besoins. En pratiquant la double perspective et l’humilité, l’écoute ouverte, la gentillesse, la compassion et le respect, les équipes du SSU peuvent acquérir les qualités des organisations en constante évolution. Les intervenants autochtones sont également les mieux placés pour évaluer la pertinence culturelle sécuritaire du matériel de formation actuel et futur.
Tous les futurs programmes d’enseignement des SSU pourraient bénéficier d’une élaboration conjointe avec des partenaires autochtones. La sensibilisation de la communauté au système des SSU permet également de démanteler la dynamique de pouvoir entre les intervenants et les personnes évacuées. D’autres considérations relatives à la planification et à la préparation sont présentées dans la prochaine conclusion.

Résultat 6 : Planifier, se préparer et établir des relations
La promotion de la préparation personnelle et l’établissement de relations entre les organismes et les communautés sont essentiels pour accroître la résilience culturelle aux catastrophes. Les communautés autochtones ont également besoin de ressources en matière de SSU, de capacité d’établir des relations et de mettre sur pied des équipes et des plans de SSU. Un thème prédominant dans la documentation sur la santé et la gestion des urgences est l’importance d’établir des relations entre les organismes d’intervention et les communautés autochtones avant une situation d’urgence. Poole mentionne que de nombreux problèmes auraient pu être évités si la communauté avait été impliquée dans les efforts de planification (2019). Ceci fut aussi repris dans les travaux d’autres chercheurs ainsi que dans les thèmes émergeant des examens après action de 2017 et 2018. Le transfert des responsabilités aux autorités sanitaires des Premières Nations, dirigées par les autochtones, par la communauté et par la Nation, est un exemple d’organisation qui développe conjointement et planifie des services qui répondent aux besoins de ceux qu’ils servent. Je conclus que l’établissement de relations est le domaine le plus important de la préparation. Comme l’a mentionné un participant, sans relations préétablies, aucun travail ne peut se poursuivre. La création de plans régionaux des SSU pourrait aider à établir des relations, aider les intervenants des services de soutien d’urgence à se sentir préparés et s’assurer que le travail qu’ils font reflète vraiment les besoins distincts de ceux qu’ils servent.

Recommandations et remarques finales

En se basant sur les constatations et les conclusions précédemment mentionnées, quatre recommandations de haut niveau pour Emergency Management BC sont proposées :
1) Créer conjointement un comité composé de champion pour la sécurité culturelle en matière de SSU;
2) Développer conjointement un cadre de sécurité culturelle dans les SSU;
3) Corédiger un énoncé de politique sur la sécurité culturelle dans les SSU et;
4) Produire conjointement et suivre un plan de changement transformateur pour la sécurité culturelle dans les services d’urgence, réunissant tous les concepts de changement dans l’ensemble du système des services d’urgence.

Mon objectif était de créer les conditions d’un leadership partagé afin que Emergency Management BC et les champions autochtones des services d’urgence disposent d’une feuille de route pour « ouvrir la voie à la sécurité culturelle » tout en respectant, en honorant et en soutenant la résilience et les connaissances autochtones. Les méthodes de collecte de données et les actions qui ont découlé de ce travail visaient à réunir la perspective occidentale/dominante (le modèle actuel des SSU) ainsi que les expériences et perspectives autochtones (les perspectives des participants à la recherche) afin de créer un état futur où la double perspective est appliquée à l’évacuation et au soutien des évacués.

Figure 1 : Représentation graphique du modèle de « soutien global » pour les services de soutien d’urgence (SSU). (Source : Pepper, 2021, p. 36)

Application des résultats de la recherche à la saison des feux de forêt de 2021 en Colombie-Britannique

La pertinence des résultats de la recherche a inspiré des changements systémiques aux niveaux communautaire, régional, provincial et fédéral en matière de gestion des urgences dans la province de la Colombie-Britannique. Le 30 juin 2021, l’un des incendies de forêt les plus dévastateurs de l’histoire de la Colombie-Britannique, l’incendie de Lytton Creek, a ravagé la Première nation de Lytton et le village de Lytton, entraînant la perte de nombreuses structures et la mort tragique de deux résidents. Tout au long de la saison estivale, des dizaines de milliers de Britanno-Colombiens ont été déplacés par plusieurs incendies de forêt catastrophiques, ce qui a entraîné un nombre record d’ordres et d’alertes d’évacuation. Plusieurs autres communautés des Premières nations ont aussi été déplacées.

En tant qu’initié au sein de Emergency Management BC, j’ai observé que les SSU ont fait preuve d’une plus grande souplesse comparativement aux années précédentes. Ils ont également travaillé plus étroitement avec les organisations partenaires, notamment la FNHA, l’ISC et la FNSSU. Bien qu’ils ne répondent toujours pas aux besoins de tous les sinistrés, j’ai constaté que des améliorations progressives avaient été mises en œuvre, conformément aux conclusions de la présente recherche.
Pour ne citer qu’un exemple communautaire qu’a eu cette recherche, un représentant du gouvernement national Tŝilhqot’in m’a mentionné qu’ils avaient basé leur plan d’hébergement d’urgence de la communauté hôte sur la thèse Cultural Safety in Emergency Support Services (Pepper, 2021). Ceci incluait l’élargissement du concept de « camp culturel ». Au niveau régional, les partenariats entre l’EMBC et la First Nations Health Authority (FNHA) ont été renforcé afin de fournir un soutien culturellement sécuritaire. De plus, la First Nations Emergency Services Society (FNSSU) a été intégrée au Centre régional provincial des opérations d’urgence (PREOC) afin de fournir des conseils sur le soutien approprié aux communautés autochtones.

Le Provincial Emergency Coordination Centre (PECC) a fait appel aux conseils de personnes autochtones ayant une expérience vécue et a créé deux politiques pour consolider les concepts de « navigateurs communautaires » et de « sites de sécurité culturelle », tous deux abordés dans cette thèse (Pepper, 2021). Une grande partie de ce travail a été menée par Stephanie Papik, membre de l’équipe d’enquête de la thèse. La province a également établi de nouveaux partenariats de formation en matière des SSU avec la First Nations Emergency Services Society (FNSSU) et, pour la première fois, la BC Association of Aboriginal Friendship Centres a été invitée à se joindre au groupe de travail des organismes autochtones (en reconnaissance de leur rôle essentiel en matière des SSU). En ce qui concerne la formation, l’EMBC a également investi dans un premier poste de formation de services de soutien d’urgence autochtone en septembre 2021.

Les conversations du cercle de recherche de l’automne dernier ont permis d’établir de nouvelles relations qui ont favorisé la collaboration entre les organismes lors des incendies de forêt catastrophiques durant la période estivale. Outre les résultats et les recommandations de fond, le processus de recherche-action de ce projet a lui-même créé une base pour un changement transformateur.

Nous espérons que cette exploration des recoupements entre l’expérience, les connaissances et les pratiques culturellement sécuritaires des Autochtones en matière de gestion des urgences contribuera à éclairer davantage les politiques du SSU et à enrichir les connaissances universitaires.
En conclusion, il y a de l’espoir. Les champions des SSU dans l’ensemble du système sont connectés et ouvrent une nouvelle ère dans la gestion des urgences, centrée sur les besoins holistiques des individus, des familles et des communautés. Ce projet a inspiré une réimagination du système des services de soutien d’urgence et ceci n’est qu’un début. Nos systèmes et nos politiques doivent s’adapter. Les intervenants doivent également continuer à approfondir leur conscience et leur compréhension personnelles et cultiver leur capacité de doubles perspectives afin de maintenir et d’honorer les méthodes autochtones et occidentales de préparation, de réponse et de rétablissement après une évacuation d’urgence.

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