Le domaine de la gestion des urgences encourage de plus en plus la notion de gestion des urgences comme une responsabilité partagée et développée de pair avec tous les membres de la société ayant un rôle à jouer. Dans ces efforts au sein de l’ensemble de la société, les bénévoles jouent un rôle direct dans la co-production des résultats de l’intervention. La réinstallation massive de réfugiés syriens au Canada en 2015 en est un bon exemple, les Canadiens s’étant mobilisés en masse pour assurer la réussite de la réinstallation de milliers de réfugiés syriens. En examinant le rôle des bénévoles dans cette initiative de coproduction, deux leçons importantes peuvent être tirées pour les personnes chargées de la gestion des situations d’urgence : la première consiste à tirer des enseignements des stratégies de gestion des bénévoles mises en œuvre par les agences de réinstallation, qui sont applicables à toute entité chargée de gérer les efforts d’intervention à l’échelle de la société. La deuxième leçon (et peut-être la plus importante) est que ceux qui gèrent les efforts d’intervention de l’ensemble de la société doivent reconnaître que la valeur est co-créée par trois relations-clés, une triade entre les bénévoles, les entités d’intervention et ceux qui sont directement touchés par une catastrophe. Chacune de ces relations doit être mieux comprise et gérée afin d’obtenir des résultats plus efficaces en matière de réponse aux situations d’urgence dans le cadre d’initiatives à l’échelle de la société tout entière.
Mots clés : coproduction, bénévolat, gestion des bénévoles, gestion des urgences, bénévoles spontanés, réinstallation, ensemble de la société
Aaida Mamuji, Associate Professor, Disaster and Emergency Management Program, York University
Catherine Kenny, MDEM (Master of Disaster & Emergency Management), York University
Suad Ahmed, Graduate Student Researcher, York University
Traduit de l’anglais au français par Paul-Émile Auger
Contexte
La coproduction par le bénévolat dans la gestion des urgences
La coproduction par le bénévolat dans le cadre de l’initiative syrienne de réinstallation des réfugiés
Constatations
Défis auxquels sont confrontés les employés des agences de réinstallation dans la gestion des bénévoles
Stratégies des agences de réinstallation pour la gestion des bénévoles
Discussion
Comprendre l’impact de la gestion des bénévoles de manière holistique : Une triade de relations
Leçons pour la gestion des urgences coproduites
“Il s’agit du travail difficile que nous allons tous faire [c’est nous qui soulignons] dans les semaines, les mois et les années à venir pour que tous ceux qui passent ici ce soir et dans les semaines et les mois à venir puissent se construire une vie pour eux-mêmes, pour leur famille et aussi contribuer pleinement à la croissance continue de ce pays extraordinaire. “
Ce sont les mots du Premier ministre canadien Justin Trudeau prononcés à l’aéroport international Pearson de Toronto le 11 décembre 2015, avant l’arrivée de la première vague de réfugiés syriens au Canada (tel que rapporté par CBC News, 2015, paragraphe 2). Trudeau fut assermenté comme Premier Ministre le 4 novembre 2015 et a immédiatement commencé à préparer la réinstallation de 25 000 réfugiés syriens au Canada avant le 31 décembre 2015 – une promesse électorale clé (Parti libéral du Canada, 2015). Bien que ce calendrier initial n’ait pas été respecté, le 29 février 2016, plus de 26 000 réfugiés syriens étaient arrivés au pays (Harris, 2015 ; Immigration, réfugiés et citoyenneté Canada [IRCC], 2017). À plusieurs reprises, Trudeau a lancé des appels à la mobilisation des Canadiens dans l’ensemble du pays pour aider à réinstaller les réfugiés nouvellement arrivés – la déclaration ci-dessus en est un exemple. Les Canadiens ont répondu avec enthousiasme. Ces appels en faveur d’une approche “globale, interpellant l’ensemble de la société soulignent la nature coproductive de cette initiative, à savoir que tous les Canadiens ont un rôle à jouer dans l’aide à la réinstallation et à l’intégration des réfugiés syriens dans leur pays d’accueil. De manière générale, la coproduction fait référence à la participation de citoyens, de bénévoles, d’organismes communautaires et d’autres personnes en tant que producteurs et consommateurs de biens publics (dans ce cas, les services de réinstallation des réfugiés) (Howlett et al. , 2017 ; Bovaird et al. , 2015 ; Osborne et al. , 2015 ; et Poocharoen & Ting, 2015).
Le domaine de la gestion des urgences encourage de plus en plus la notion de gestion des urgences comme une responsabilité partagée et co-produite par tous les membres de la société ayant un rôle à jouer. Par exemple, les principes directeurs du Cadre de Sendai des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030 (Nations Unies, 2015) et les domaines d’activité prioritaires de la Stratégie de gestion des urgences pour le Canada (Sécurité publique Canada, 2019), qui encouragent chacun la participation active de l’ensemble de la société à la préparation, à l’intervention et au rétablissement en cas d’urgence. Au niveau international, il n’est pas rare que des milliers d’organisations et de personnes inondent les pays dévastés par une catastrophe, tandis qu’au niveau national, les organisations locales, les groupes communautaires et les citoyens (souvent en dehors de la zone touchée par la catastrophe) tentent d’augmenter les activités d’intervention officielles en offrant leur soutien. En réponse aux incendies dévastateurs, comme celui de mai 2016 à Fort McMurray, en Alberta, le soutien opérationnel pour combattre le complexe d’incendies a été fourni par des pompiers bénévoles, les Forces Armées Canadiennes et les provinces du Québec, de l’Ontario et du Manitoba (CBC Radio, 2016 ; Geddes, 2016). Des dons et des collectes de fonds ont eu lieu dans tout le pays, ce qui a conduit à la plus grande action caritative de l’histoire de la Croix-Rouge Canadienne à l’époque (Geddes, 2016). Une réponse efficace et coordonnée dans des cas comme celui-ci dépend souvent de plans d’intervention prédéterminés, qui ont intégré des procédures pour une collaboration et une utilisation efficace des services et des capacités des bénévoles (Canton, 2019).
L’un des aspects de ces initiatives de la société dans son ensemble posant un défi à la qualité de la coproduction est la gestion des bénévoles spontanés et non affiliés. “(Twigg & Mosel, 2017, p.443), et à moins que les organismes d’intervention, tels que les organismes municipaux de gestion des urgences, les organisations non gouvernementales ou à but non lucratif (pour n’en citer que quelques-uns), ne mettent en place des procédures efficaces de gestion des bénévoles, la coproduction des résultats de l’intervention peut en être affectée. Dans ce document, nous explorons ce phénomène à travers une étude de cas centrée sur l’initiative syrienne de réinstallation des réfugiés et nous posons les questions suivantes : à la lumière de l’appel du Premier ministre à une réponse de l’ensemble de la société, quels ont été les défis rencontrés en matière de gestion des bénévoles et quelles stratégies ont été utilisées pour promouvoir la coproduction par le biais du bénévolat ? En utilisant des méthodes de recherche qualitative qui examinent les perspectives des travailleurs de première ligne et de la direction des agences de réinstallation à travers le Canada, qui ont tous participé au soutien de l’initiative syrienne de réinstallation des réfugiés.
Dans la discussion des résultats de la recherche, nous soutenons que la coproduction efficace de l’expérience de réinstallation par le biais du bénévolat repose sur une meilleure planification et préparation dans la gestion de chacune des relations entre les trois acteurs clés du processus de réinstallation : les bénévoles, les organismes de réinstallation et les réfugiés, car chacun est un coproducteur des résultats de la réinstallation. Un déséquilibre dans l’attention portée à l’un de ces acteurs, sans que l’expérience et les attentes des autres ne soient suffisamment prises en compte, se traduira par des résultats de réinstallation défavorables, car les conséquences d’une mauvaise gestion ou des difficultés rencontrées avec les bénévoles spontanés peuvent se répercuter en cascade sur l’ensemble de cette triade de relations. Compte tenu des appels à approche de gestion des urgences plus englobante & inclusive, tout en reconnaissant que les résultats de ces initiatives sont le fruit de la collaboration de divers acteurs, cette étude propose des pistes de réflexion pour la communauté de la gestion des urgences. En particulier, il est impératif de déterminer comment la participation de bénévoles spontanés peut influer sur les efforts de coproduction de diverses parties prenantes dans une intervention d’urgence afin de garantir des résultats positifs et la réussite opérationnelle tant pour les prestataires de services que pour les bénéficiaires.
Nous commençons par développer le concept de coproduction, à la fois dans la gestion des situations d’urgence en général et dans la réinstallation des réfugiés en particulier, et par donner un aperçu de la littérature existante sur la gestion des bénévoles dans le cadre de l’initiative de réinstallation des réfugiés syriens au Canada.
Les appels pour l’engagement citoyen et à la coproduction peuvent être compris dans le contexte d’un changement dans la livraison des services sociaux, en s’éloignant du gouvernement pour se centrer vers les citoyens concernés, par le biais de la “localisation” ou du transfert des responsabilités à des niveaux plus locaux” (Pat & Palmer, 1996, p. 141-2). Si ce concept d’externalisation des services publics vers la communauté par le biais de la coproduction existe depuis les années 1970, il a fait l’objet d’un regain d’attention au milieu des années 2000 en raison des pressions fiscales auxquelles les gouvernements sont confrontés pour inciter le public à produire des services publics et à réduire les dépenses publiques (Bovaird et al., 2015). Poocharoen et Ting (2015) notent que la co-production est favorisée lorsque les hommes politiques augmentent leur confiance dans le public. Dans ce cas, les membres de la communauté deviennent une partie intégrante du développement et de la livraison des services publics. L’opérationnalisation de la prestation de services en collaboration dépend de la capacité du gouvernement à collaborer efficacement avec les citoyens ou les organismes de la communauté et à créer “un espace de collaboration pour les autres acteurs tout en évoquant une responsabilité commune” (Howlett et al. , 2017, p. 492).
Les définitions de la co-production varient, l’accent étant mis à des degrés divers sur le rôle des citoyens dans l’amélioration de la production des services (c’est-à-dire la quantité de services fournis), la qualité des services, l’efficacité des services (c’est-à-dire la mesure dans laquelle les services atteignent les objectifs visés) et la manière dont les citoyens créent conjointement de la valeur dans le cadre du processus de livraison ou de réception de ces services (Bovaird et al. , 2015 ; Osborne et al. , 2015). Par exemple, selon Bovaird et al. (2015), les premières définitions de la co-production mettaient l’accent sur le rôle des citoyens dans ” l’augmentation de la quantité et/ou de la qualité de la livraison d’un service ” (p. 2). Si cette définition met l’accent sur la qualité du service, elle n’aborde pas la question de savoir si un service de haute qualité se traduit par un service qui répond aux objectifs visés pour l’utilisateur. En revanche, une approche qui souligne l’importance des résultats, de la qualité et des effets définit la co-production comme “des professionnels et des citoyens qui font un meilleur usage de leurs atouts, ressources et contributions mutuelles pour obtenir de meilleurs résultats [et/ou] une efficacité accrue” (p. 2). Le présent document s’intéresse au rôle important que les bénévoles peuvent jouer dans la coproduction de résultats, et plus particulièrement à leur rôle de contribution ou d’entrave à la cocréation de valeur dans le cadre du processus de prestation de services. Parfois, les bénévoles peuvent devenir un obstacle potentiel à la fourniture efficace de services.
Le terme “bénévolat” peut être défini comme un travail non rémunéré au profit de personnes qui n’appartiennent pas au ménage ou à la famille du bénévole, ou comme toute activité dans laquelle du temps est donné gratuitement au profit d’une autre personne, d’un groupe ou d’une organisation (Simsa, 2017). Selon Whittaker et al. (2015), le bénévolat prend quatre formes dans les situations de catastrophe : Les bénévoles individuels anticipés répondent aux attentes générales de la société sur une base individuelle et ponctuelle, tandis que les bénévoles anticipés des organisations sont régulièrement associés à une organisation. Les bénévoles individuels spontanés apportent une aide à titre individuel, généralement dans les premiers stades d’une catastrophe, et les bénévoles spontanés des organisations se mettent au service d’une organisation une fois qu’une urgence ou une catastrophe s’est produite. Les bénévoles spontanés sont également connus sous le nom de bénévoles émergents, convergents, sans rendez-vous ou non affiliés (voir Harris et al. , 2017), et sont souvent ceux qui présentent le plus de difficultés dans les situations d’urgence.
L’action volontaire informelle est une ressource et une capacité précieuses pour les interventions d’urgence. Étant donné que les catastrophes sont vécues localement, les personnes telles que les membres de la famille, les amis et les voisins sont systématiquement reconnues comme des acteurs importants dans la réponse aux catastrophes urbaines, en particulier pour les activités de réponse urgente telles que la recherche et le sauvetage, la fourniture de soins aux blessés et les activités de nettoyage (Twigg & Mosel, 2017). Dans ce contexte, le renforcement des capacités de gestion des bénévoles est un élément essentiel de l’amélioration de la réponse aux catastrophes coproduites par l’ensemble de la société.
Cependant, étant donné que les bénévoles spontanés arrivent à l’improviste, ils sont souvent sous-utilisés et “ont eu tendance à être considérés comme une nuisance ou une responsabilité” (Whitaker et al., 2015, p. 359). Dans son étude sur le rôle des bénévoles spontanés lors de catastrophes nationales telles que les inondations de Calgary en 2013 et les fusillades de Moncton et Ottawa en 2014, le Conference Board du Canada (2016) a souligné que la collaboration productive avec les bénévoles spontanés est généralement entravée par six éléments clés : un manque de confiance, un leadership peu clair et des préoccupations concernant le risque, la responsabilité, la productivité, l’adéquation des compétences et la rétention. Malgré l’impact de ces problèmes sur une approche coordonnée à l’égard des bénévoles spontanés, les recherches montrent que lorsque les bénévoles spontanés sont engagés de manière adéquate grâce à une planification et une formation proactive, ils peuvent fournir la capacité de pointe requise pour faire face à des situations d’urgence (Whitaker et al., 2015 ; FEMA, 2011).
L’étude de la coproduction de l’initiative syrienne de réinstallation des réfugiés, en particulier du fait que cette initiative a galvanisé le soutien national, met en évidence les leçons importantes qui peuvent être tirées pour la communauté de gestion des urgences qui souhaite mieux intégrer les bénévoles dans les efforts d’intervention. Étant donné que l’accueil de personnes évacuées est un aspect commun de la réponse aux urgences nationales au Canada, des leçons importantes peuvent être tirées en étudiant le rôle du Canada en tant que pays d’accueil dans les initiatives de réinstallation des réfugiés et la manière dont la gestion des bénévoles spontanés a été effectuée. En outre, en se concentrant sur les résultats des interventions en tant que co-production, au-delà de l’amélioration des résultats entre les bénévoles et les organismes d’intervention, ce document montrera comment des efforts devraient être faits pour comprendre l’effet de la gestion et de la mauvaise gestion des bénévoles sur les résultats des personnes touchées par la catastrophe, c’est-à-dire la co-création de valeur. Cela sera particulièrement important lors de l’examen des performances des interventions par le biais de rapports d’après-action ou d’exercices sur les leçons tirées.
L’invitation du gouvernement canadien à tous les acteurs sociaux à s’impliquer dans l’initiative de réinstallation des réfugiés syriens – qu’il s’agisse du secteur privé, de groupes religieux et communautaires ou de personnes non affiliées – a développé l’opportunité et l’appétit de coproduction en démontrant aux citoyens les multiples façons dont ils peuvent façonner leur domaine public par la participation publique (Hajer, 2003 ; Healey et al., 2003). Un noyau important de coproduction dans cette initiative était les agences de réinstallation – des organisations à but non lucratif qui reçoivent un financement du gouvernement pour aider les réfugiés dans les jours et les semaines suivant leur arrivée grâce au Programme d’aide à la réinstallation (PAR). Ces organismes prestataires de services du programme d’aide à la réinstallation, ou OPS du PAR, offrent, entre autres, des services au point d’entrée, de traduction, d’hébergement temporaire, d’aide à la recherche et à l’installation dans un logement permanent et d’orientation vers d’autres services d’accueil . Le ton donné par le gouvernement fédéral et l’étendue de la liberté qu’il a accordée aux fournisseurs de services du PAR pendant l’initiative de réinstallation des réfugiés syriens ont eu une incidence sur la capacité des fournisseurs de services du PAR à permettre aux bénévoles de coproduire avec succès des services.
Les OPS du PAR offrent des services de réinstallation principalement aux réfugiés pris en charge par le gouvernement (RPG), par opposition aux réfugiés parrainés par le secteur privé (RPSP), qui reçoivent un soutien principalement de la part de citoyens qui les parrainent (IRCC, 2016). Parmi les premiers réfugiés syriens que le gouvernement du Canada a réinstallés, environ 15 000 sont arrivés au Canada en tant que RPG. Par conséquent, les FS du PAR occupaient une position unique dans cette initiative, car ils étaient souvent le premier point de contact important pour les RPG, une position qui a simultanément conduit à une attention médiatique accrue et à des offres publiques de soutien sous forme de bénévolat. Avec un nombre sans précédent de réfugiés arrivant dans des délais très courts, ces organisations devaient non seulement s’assurer que les réfugiés recevaient des services sûrs et efficaces, mais aussi gérer le fort désir du public de jouer un rôle de co-production dans cette initiative, notamment par la gestion des bénévoles.
L’expérience antérieure du Canada avec une autre initiative de réinstallation de réfugiés à grande échelle a créé un précédent pour le soutien et la participation enthousiastes et généralisés du public. Entre 1979 et 1981, 60 000 réfugiés du Viêt Nam, du Laos et du Cambodge sont venus au Canada dans le cadre d’une approche similaire, menée par le gouvernement fédéral, mais avec la contribution de l’ensemble de la société. Naomi Alboim (2016), coordinatrice fédérale de l’initiative de réinstallation des réfugiés indochinois de 1979 à 1981, note que “la société civile compte…” dans une initiative de cette envergure, et que les partenariats et la collaboration entre tous les niveaux de gouvernement, ainsi qu’entre le gouvernement et la société civile, sont essentiels à leur succès (n.p. ). La collaboration au sein des groupes et entre eux permet de créer des relations de soutien et exige que les ressources soient identifiées et mobilisées plus efficacement. Par exemple, les recherches montrent que les membres de la communauté peuvent aider les nouveaux arrivants à accéder aux services et aux ressources, leur apporter de nombreux types de soutien et leur fournir un tampon contre les effets du stress, ce qui, en fin de compte, facilite l’intégration (Elliott & Yusuf, 2014 ; Ager & Strang, 2008 ; Lamba & Krahn, 2003 ; Simich et al., 2003). Par conséquent, en développant des relations de soutien entre les réfugiés et les membres bénévoles de la communauté, le bénévolat peut devenir une source de coproduction de résultats positifs en matière de réinstallation.
La recherche sur l’engagement des bénévoles en réponse à l’initiative de réinstallation des réfugiés syriens examine un certain nombre de styles de gestion des bénévoles observés. Smith, Hadžiristić, et Alipour (2017) utilisent un cadre analytique pour décrire la variété des initiatives de bénévolat dans les communautés canadiennes lors de l’arrivée des 25 000 premiers réfugiés syriens. Des observations intéressantes sont faites en fonction de la taille du secteur de la réinstallation avant l’initiative syrienne de réinstallation des réfugiés (inexistante, petite et centrale, ou grande et complexe), et de la nature des initiatives bénévoles (nouvelles, issues d’initiatives préexistantes reconverties pour aider à la réinstallation des réfugiés, ou initiatives consacrées au travail de réinstallation). L’étude de cas de Mackwani (2016) sur le rôle des bénévoles lors de l’arrivée et de l’accueil de 1 500 réfugiés syriens à Halifax a montré que les bénévoles spontanés étaient bien gérés grâce aux outils, aux cadres et accords bilatéraux préexistants entre le secteur bénévole et les organisations communautaires, issus de l’arrivée en 1999 de 5 000 réfugiés du Kosovo. Cette expérience antérieure a facilité la formation d’un groupe de travail qui a communiqué les besoins au public et a orienté les bénévoles intéressés vers les domaines appropriés par le biais d’un processus d’enregistrement des bénévoles en ligne. Dans leur étude sur la recherche de logement pour les nouveaux arrivants réfugiés syriens au Canada, Rose et Charette (2017) ont constaté que l’intégration des bénévoles dans différents aspects du travail dans les petites villes était plus facile que dans les grandes, en raison d’une plus grande flexibilité dans les aspects opérationnels lorsque les OPS du PAR étaient plus petits et de la grande visibilité du bénévolat dans les petites communautés.
Plutôt qu’une approche centralisée de type commandement & contrôle (C-2), les études consultées mettent en évidence la nécessité de structures fluides pour la gestion des bénévoles spontanés. Sans une planification et une coordination adéquate, les bénévoles spontanés peuvent être sous-utilisés et se sentir insatisfaits, entraver certaines fonctions et les bénévoles eux-mêmes peuvent être affectés négativement. La présente étude contribue à la littérature existante sur le bénévolat dans le cadre de l’initiative syrienne de réinstallation des réfugiés en appliquant une optique de coproduction pour comprendre cette réponse de l’ensemble de la société.
La plupart des bénévoles qui se sont portés volontaires pour aider les réfugiés syriens, et ceux que les OPS du RAP étaient le moins préparés à gérer, étaient les bénévoles spontanés. Bien qu’il soit reconnu que les bénévoles peuvent jouer un rôle important dans la réinstallation des réfugiés en améliorant les résultats sociaux et en aidant à l’intégration communautaire, étant donné l’ampleur de l’initiative de réinstallation des réfugiés syriens, son rythme rapide et l’attention accrue des médias et du public, de nombreux organismes de réinstallation ont dû relever des défis pour gérer et utiliser la bonne volonté du public, notamment en raison de leurs ressources limitées pour la gestion de ces bénévoles spontanés. Les sections suivantes présentent les points de vue des employés des agences de réinstallation sur les défis rencontrés dans la gestion des bénévoles pendant l’initiative de réinstallation des réfugiés syriens, et les stratégies qu’ils ont mises en œuvre pour relever ces défis.
Afin d’étudier les difficultés de gestion des bénévoles qui ont été rencontrées à la suite de l’appel du Premier ministre à une réponse de l’ensemble de la société à l’initiative de réinstallation massive des réfugiés syriens en 2015, ainsi que les stratégies qui ont été utilisées pour promouvoir la coproduction par le biais du bénévolat, une approche d’étude de cas qualitative examinant les perspectives des travailleurs de première ligne et de la direction des agences de réinstallation à travers le Canada a été entreprise. La collecte de données a inclus des entrevues semi-structurées avec environ 52 % de la population des organisations qui détenaient des contrats pour fournir des services dans le cadre du Programme d’aide à la réinstallation (PAR) en février 2016.
Les 27 agences qui détenaient des contrats fédéraux pour la mise en œuvre du PAR à la fin du mois de février 2016 ont été contactées pour participer à cette étude . Quinze employés (appelés RAP01-RAP15 dans le présent document) de quatorze agences de réinstallation ont choisi de participer aux entretiens qui ont eu lieu entre juillet et octobre 2016. Cette approche a permis de saisir les expériences et les voix des participants alors qu’ils étaient confrontés au défi de gérer de front des bénévoles enthousiastes tout en essayant simultanément de maintenir une prestation de services de haute qualité à une population dans le besoin.
En plus de cette collecte de données primaires, des données secondaires ont été analysées afin d’éclairer à la fois l’approche de recherche et les fondements théoriques de ce document. Cela a inclus une analyse de la littérature sur les récits d’établissement des réfugiés et le discours de coproduction, comme déjà discuté en partie dans les sections précédentes de ce document.
Conformément à l’appel du gouvernement fédéral en faveur d’une participation de l’ensemble de la société, les employés des agences de réinstallation qui ont participé à cette étude ont accueilli favorablement le désir d’aide du public et ont estimé que leur participation était importante pour assurer le succès de l’initiative de réinstallation des réfugiés syriens. De nombreux participants au programme RAP SPO ont noté à quel point ils étaient fiers de leurs communautés et que cette initiative faisait ressortir le meilleur de leurs villes. En se remémorant l’expérience, RAP10 a noté que le rôle des bénévoles dans une initiative comme celle-ci est “absolument crucial [c’est nous qui soulignons]. Nous n’aurions pas pu le faire sans la communauté. Et nous avons constaté que le succès de l’entreprise est largement dû aux bénévoles, qui […] dans de nombreux cas, deviennent presque comme des membres de la famille” des réfugiés qu’ils soutiennent. Le PAR10 a également noté que les bénévoles étaient susceptibles d’avoir un impact positif sur l’intégration à long terme de ces nouveaux arrivants. Dans le même ordre d’idées, le PAR06 a noté que le soutien et la participation du public à cette initiative ” ont transformé la communauté “. De même, le PAR15 a fait le commentaire suivant : ” L’un des aspects de cette initiative est la mesure dans laquelle les bénévoles l’ont vraiment facilitée. Vous savez, oui, oui, il y a le financement ; oui, il y a les services officiels. Mais il y a aussi des groupes incroyables qui se sont portés bénévoles. “Ces souvenirs des employés des agences de réinstallation démontrent le rôle coproductif crucial que jouent les bénévoles en créant de la valeur dans les résultats et les produits des services en participant à la prestation des services de réinstallation, ce qui, en fin de compte, contribue à façonner l’expérience de réinstallation tant de leurs communautés que des réfugiés eux-mêmes.
Les résultats de cette recherche montrent que les bénévoles des OPS du PAR ont généralement accompli des tâches dans l’une des deux catégories suivantes : offrir un soutien aux réfugiés syriens directement ou offrir un soutien à la prestation de services aux OPS du PAR. Le soutien direct aux réfugiés consistait en des activités d’accueil, de transport, de logement et de soutien linguistique, de garde d’enfants et de programmes de jumelage entre les bénévoles et les nouveaux arrivants pendant une période relativement longue afin de faciliter l’intégration. Les bénévoles ont également dirigé des groupes de pratique de l’anglais, des excursions pour aider les réfugiés à mieux comprendre où se trouvaient les ressources communautaires, et des sorties pour assister à des célébrations communautaires. Parmi les exemples de tâches accomplies par les bénévoles pour soutenir la prestation de services des OPS du PAR, citons le soutien administratif, l’aide à la gestion des bénévoles et des dons, et l’attribution de logements temporaires. Malgré ces avantages, des complications sont apparues car les OPS du PAR n’étaient pas suffisamment préparés pour gérer le volume de bénévoles désireux de jouer un rôle dans l’initiative de la société dans son ensemble.
À l’annonce de l’initiative syrienne de réinstallation des réfugiés et des appels officiels à une approche de la société dans son ensemble, la plupart des agences qui ont participé à cette étude ont organisé des séances d’engagement communautaire pour donner un aperçu du processus de réinstallation, afin d’aider au recrutement de bénévoles. Reconnaissant que la satisfaction des bénévoles est essentielle à un engagement réussi, certaines agences ont procédé à des évaluations des bénévoles afin de les associer aux activités qui les intéressaient, tandis que d’autres ont planifié de manière proactive les moyens les plus efficaces d’utiliser les efforts des bénévoles. Le RAP10 a noté : “Lorsque nous avons pris le temps de réfléchir au processus du RAP, nous avons délégué ce qui resterait des affectations de personnel et ensuite ce que nous déléguerions à des équipes de bénévoles”. “À ce moment-là, cependant,” explique le RAP04, “nous n’avons pas vu arriver d’autres réfugiés parrainés par le gouvernement,” ce qui a accru le désir des citoyens de s’engager.
Les OPS du PAR ont rapidement été “submergés” par le nombre de demandes de bénévoles (PAR14), un organisme ayant reçu 6 000 demandes. La plupart des agences ont reçu “plus de [bénévoles] qu’elles n’auraient pu en utiliser” (RAP04). Le RAP15 a noté qu’avec l’appel du gouvernement fédéral pour que les Canadiens s’impliquent dans l’initiative, le secteur de la réinstallation “subissait une grande partie de cette pression”, comme l’appelaient les membres du public “en disant : ‘Quand allez-vous m’envoyer ces réfugiés parrainés par le gouvernement ? ou ‘Je veux une famille de réfugiés parrainés par le gouvernement”. Une agence n’a commencé à recruter et à former des bénévoles qu’en janvier 2016, lorsqu’elle est devenue officiellement un OPS du PAR. Pourtant, étant donné l’intérêt du public pour le bénévolat, en un mois seulement, “avant même que [l’agence] n’obtienne les contrats pour recevoir les RPG, [elle] avait déjà recruté quatre ou cinq cents bénévoles” (RAP03). Réfléchissant aux difficultés rencontrées par les agences de réinstallation, un répondant a expliqué que si les bénévoles “étaient désireux d’aider”, dans de nombreux cas, le public le faisait “contre notre volonté” (RAP07). Souvent, les bénévoles arrivaient dans les agences du PAR avec “des offres de dons de denrées, d’argent et de soutien” (RAP08), qui étaient parfois inutiles et que la plupart des agences n’avaient pas la capacité de gérer. L’agence du RAP12 a traité entre 800 et 1 000 demandes de bénévoles, bien qu’elle “n’ait pas vraiment eu la capacité d’examiner ou de sélectionner autant de bénévoles, de les interviewer et de leur trouver des places”. ”
En ce qui concerne la sélection des bénévoles, le RAP01 a expliqué que “quelqu’un qui veut travailler avec des réfugiés [doit] passer par une orientation bénévole et doit obtenir une vérification de sécurité de la police, ce qui prend du temps”, rendant le processus aussi intensif que “l’embauche d’un employé” (RAP10). En raison des retards dans le traitement des dossiers, les bénévoles sont devenus frustrés (voir également Smith et al., 2017). Dans les situations où les agences voulaient être proactives en ce qui concerne l’engagement et la formation des bénévoles, comme l’appel à l’action du RAP15 lancé en novembre 2015, les réfugiés syriens ne sont arrivés qu’un mois plus tard, “pour beaucoup de gens, c’était “se dépêcher et attendre””. Les employés ont donc dû “gérer les frustrations des gens qui n’étaient pas encore là” (RAP15). Bien que le refus de bénévoles ait pu être une option, le PAR07 explique les difficultés rencontrées par les employés des agences de réinstallation lorsqu’ils sont confrontés à un tel choix :
Vous vous sentez si mal [en détournant les gens], n’est-ce pas ? Parce qu’ils te disent en face : “Oh, voilà de l’argent, voilà des vêtements. Voilà des choses. “… La dynamique est assez difficile à gérer parce que vous vous sentez mal et vous voulez vous assurer que les gens peuvent s’impliquer.
En fait, peu après l’arrivée des réfugiés, des centaines de bénévoles spontanés sont arrivés à certaines occasions dans des logements temporaires où les réfugiés syriens étaient logés pour le moment, comme des hôtels. Ces lieux “sont devenus l’endroit où il faut aller et interagir avec les réfugiés syriens”, explique RAP07. En raison de leur apparition inattendue, les bénévoles spontanés ont été décrits comme “tirant et tirant et tirant” au moment où le personnel des OPS du RAP était en poste. Ces exemples illustrent le fait que les défis liés à la gestion des bénévoles peuvent réduire la capacité des bénévoles à contribuer efficacement à la production et à la qualité des services, les empêchant ainsi d’améliorer les résultats des réfugiés – autant d’éléments clés pour jouer un rôle co-productif positif dans cette initiative.
Les OPS du PAR interrogés ont adopté une série de stratégies pour gérer le volume de bénévoles intéressés et améliorer la capacité des bénévoles à coproduire cette initiative. La moitié des participants ont indiqué qu’ils géraient les bénévoles en transférant les responsabilités internes et en utilisant les ressources humaines existantes, ce qui démontre que la gestion des bénévoles est une responsabilité supplémentaire – mais nécessaire – que les OPS du PAR assument. Certains organismes ont utilisé des fonds provinciaux pour compléter le financement fédéral et combler les lacunes de leur capacité de gestion des bénévoles. De nombreux OPS du PAR qui ont obtenu des fonds externes ont créé des postes de gestion des ressources bénévoles au sein de la communauté et de l’engagement des bénévoles. Pour d’autres organismes, des bénévoles de longue date ont assumé des rôles plus étendus en matière d’établissement. Le RAP15 explique :
Nous avons eu la chance d’avoir des bénévoles à long terme que nous connaissions et que nous pouvions également recruter. Et, vous savez, vous connaissiez la qualité du travail qui était fait… Dans cette phase initiale, nous transférions beaucoup de responsabilités d’une personne à l’autre, donc nous prenions notre charge de travail élargie et nous la partagions.
En créant des postes spécifiques de gestion des bénévoles et de coordination communautaire, les travailleurs des agences centrales pourraient réduire leur propre stress tout en s’assurant que les bénévoles sont suffisamment impliqués dans la mise en place de services de réinstallation de réfugiés de qualité. Le développement des rôles de gestion des bénévoles a également permis de libérer les ressources du PAR pour se concentrer sur les activités soutenues par le PAR, ce qui a permis d’améliorer la production et la qualité des services des travailleurs de la réinstallation et d’obtenir des résultats positifs. Par exemple, le PAR03 a noté : “Si vous pouvez faire faire aux bénévoles des choses qu’ils veulent vraiment faire, cela vous permet de libérer du temps […] pour élaborer une stratégie et réfléchir au processus de réinstallation. ”
Certains OPS du PAR ont également établi des partenariats avec le gouvernement ou des groupes communautaires pour partager les responsabilités de gestion des bénévoles. Le RAP06 a créé un réseau d’acteurs communautaires pour gérer les offres de soutien des bénévoles en canalisant les demandes par un point unique au sein du gouvernement municipal. Grâce à ce partenariat, le RAP06 pouvait diriger le soutien vers des partenaires communautaires qui avaient déjà participé à des activités liées à la réinstallation, comme l’organisation de dons. En outre, si les membres de la communauté intéressés appelaient directement le SPO du RAP, ils étaient dirigés vers la ligne téléphonique de la ville, qui les dirigeait en conséquence. Les réseaux de bénévoles de la ville qui ont été canalisés par la municipalité ont réduit le stress et la charge de travail du RAP SPO.
Une autre agence a tiré parti de l’association islamique de sa ville, permettant à la communauté de jouer un rôle coproductif dans la réinstallation des réfugiés. Notes du RAP12 :
[L’Association islamique] a nommé un responsable, donc quand les membres de la communauté se présentaient et disaient : “Je veux aider, je veux rencontrer des gens, et je veux les prendre et faire ceci et cela”, nous pouvions dire : “Ok, vous savez que nous avons quelqu’un qui coordonne cela au nom de la communauté. Vous pouvez contacter cette personne et elle vous dira ce que vous pouvez faire. ”
Dans ce cas, les coordinateurs bénévoles externes ont permis aux OPS du PAR de se concentrer sur leur principale préoccupation, à savoir la santé et la sécurité des réfugiés, sans avoir à refuser directement le soutien des bénévoles.
En ce qui concerne les bénévoles qui se rendent directement sur les sites d’hébergement temporaire, certaines agences ont affecté du personnel à ces sites pour surveiller et restreindre l’accès aux réfugiés. D’autres ont mis au point un processus de sélection pour sélectionner et filtrer les bénévoles. Le RAP05 explique qu'”à un certain moment du processus, nous avons demandé [les bénévoles] pour qu’ils portent des cartes d’identité”. Pour obtenir ces cartes d’identité, les bénévoles devaient se soumettre à un “processus de sélection rigoureux” qui comprenait “un certificat de bonne conduite et des vérifications des antécédents” (RAP05). Les personnes qui passaient par ces processus devenaient des bénévoles affiliés au OPS PAR, ce qui donnait une tranquillité d’esprit au personnel du OPS PAR sur place et permettait à ces bénévoles de coproduire avec plus de succès des services de réinstallation. Certains organismes ont également adopté les pratiques observées dans les accords de parrainage privé afin de répondre aux besoins des réfugiés et à l’épuisement des bénévoles. Par exemple, un modèle de groupe de soutien aux réfugiés parrainés par le gouvernement a vu le jour dans un OPS du PAR pour partager les responsabilités au sein d’une équipe de bénévoles, augmentant ainsi les chances de réussite d’une relation de coproduction.
En s’engageant auprès des bénévoles, les OPS du RAP ont dû résoudre activement les problèmes au fur et à mesure qu’ils se présentaient. Les stratégies observées sont apparues en réaction aux événements qui se déroulaient et peuvent être comprises comme une pratique d’apprentissage des politiques (voir Marshall & Béland, 2019). Il a toutefois fallu du temps pour arriver à un endroit où les bénévoles participaient efficacement à la coproduction. Malgré les stratégies employées, même un an après l’arrivée de la première vague de réfugiés, les médias ont continué à mettre en évidence les difficultés liées à la gestion des bénévoles, avec des titres tels que “Nous avons encore plus de bénévoles que nous ne pouvons en gérer:’ Les offres d’aide aux réfugiés submergent les groupes de soutien” (Carman, 2017). Il était alors évident qu’il fallait faire plus. Une façon d’y parvenir est de mieux comprendre l’étendue des enjeux de gestion des bénévoles à travers la perspective de co-production.
Si les OPS du PAR sont devenus un point d’accès central au bénévolat pour les citoyens, lorsque le gouvernement canadien a mis l’accent sur la participation de l’ensemble de la société, il en est résulté plus qu’une simple relation entre les OPS du PAR et les bénévoles qui devait être gérée efficacement. Au contraire, une triade de relations est apparue dans cet effort de co-production, chacune d’entre elles connaissant souvent des difficultés en termes de production, de qualité et/ou de résultats des services, qui découlent d’une gestion inadéquate des bénévoles, soulignant l’impact négatif que les bénévoles peuvent avoir sur la co-production s’ils ne sont pas correctement gérés ou engagés. Les trois relations sont entre les bénévoles et les OPS du PAR (dont nous avons déjà parlé), les bénévoles et les réfugiés, et les OPS du PAR et les réfugiés. La figure 1 présente les résultats idéaux de chacune de ces trois relations lorsque la coproduction se déroule avec succès, ce que nous avons appelé les “relations de coproduction”.
Figure 1 : Triade de relations entre les OPS du PAR, les bénévoles et les réfugiés pour mieux comprendre les résultats idéaux de chacune de ces relations coproductives.
Cette triade de relations coproductives illustre une approche holistique pour comprendre le rôle d’un bénévole dans la réinstallation des réfugiés. Du point de vue de la réinstallation, les résultats de chaque relation sont uniques. Pour la relation entre les bénévoles et les OPS du PAR (relation I), avec une coproduction réussie, les organismes de réinstallation s’appuient sur les bénévoles pour les aider dans les services de réinstallation et d’autres tâches, tout en veillant à ce que les bénévoles soient satisfaits de leur expérience. Le résultat idéal d’une relation de co-production entre les bénévoles et les réfugiés (relation II) implique que les bénévoles aident efficacement aux services de réinstallation tout en contribuant au bien-être des réfugiés et à l’intégration communautaire. Enfin, le résultat idéal d’une relation coproductive entre les OPS du PAR et les réfugiés (relation III) implique que ces derniers voient leurs besoins satisfaits, avec les soutiens et les ressources nécessaires en place pour une prestation efficace des services du PAR. Cela inclut un moyen par lequel les réfugiés peuvent participer à la coproduction de l’initiative en fournissant un retour d’information sur l’engagement des bénévoles. Au cours de nos conversations avec les employés des OPS du PAR, nous avons appris qu’au-delà de la simple relation I, les trois relations ont connu leurs propres difficultés au cours de l’initiative de réinstallation des réfugiés syriens en raison de la mauvaise gestion des bénévoles spontanés ou des difficultés rencontrées avec eux. Ainsi, chacune de ces relations nécessite une gestion efficace pour que la co-production de la réinstallation soit optimale.
En ce qui concerne la relation II – entre les bénévoles et les réfugiés – il convient de rappeler que les réfugiés constituent un groupe vulnérable. Alors que certains fournisseurs de services du PAR ont pris des précautions pour s’assurer que les réfugiés ne soient pas exploités par des bénévoles qui n’ont pas été contrôlés, d’autres ont dû ” [refuser] des bénévoles ” (PAR03) lorsque la gestion des bénévoles devenait trop gourmande en ressources. Le fait de devoir refuser des bénévoles potentiels montre à quel point une gestion des bénévoles mal financée contribue à une réduction directe des services que les bénévoles sont en mesure de fournir aux réfugiés, et constitue donc un obstacle à la coproduction, par exemple pour améliorer le capital social des réfugiés. En réponse, certains bénévoles ont cherché des moyens d’aider les réfugiés de manière indépendante, en dehors du cadre institutionnel fourni par les agences de réinstallation. C’est ce qu’explique le RAP12 :
Par exemple, quelqu’un est venu et a dit : “Oh, cette famille [de réfugiés] a accepté de venir vivre dans mon sous-sol et ils vont travailler dans mon usine. Et c’est comme si… qui êtes-vous et qu’est-ce que vous êtes [c’est nous qui soulignons] ? Comme… ça sonne comme une situation qui pourrait être vraiment mauvaise.
Le scepticisme de cet employé de l’agence de réinstallation souligne que l’engagement de bénévoles en dehors du cadre institutionnel peut entraîner une réduction de la qualité des services de réinstallation (en fait, une situation potentiellement dangereuse), ce qui démontre une fois de plus qu’une gestion inadéquate des bénévoles a un impact négatif sur le processus de co-production.
Outre le fait que les réfugiés sont mis dans des situations potentiellement compromettantes, les bénévoles sont également débordés dans de nombreux cas, en particulier lorsqu’ils ne reçoivent pas de formation adéquate à l’embarquement. Le RAP07 explique que les bénévoles avaient souvent “une approche naïve de l’aide à une famille de réfugiés” et un manque de compréhension des complexités auxquelles cette dernière est confrontée. Dans de tels cas, les bénévoles étaient enclins à l’épuisement professionnel “parce qu’ils sous-estimaient l’ampleur des besoins… Certains de nos bénévoles avaient des problèmes. Je ne peux plus supporter ça. Les [réfugiés] sont trop nécessiteux. Je ne peux plus faire ça” (RAP07). Cet épuisement a inévitablement affecté la relation que les bénévoles avaient avec les réfugiés et la qualité et la quantité de soins qu’ils pouvaient fournir.
La participation du public à l’initiative syrienne de réinstallation des réfugiés a également ajouté des défis à la relation entre les OPS du PAR et les réfugiés (relation III). Dans certains cas, l’augmentation des ressources affectées à la gestion des bénévoles a détourné l’attention des employés de l’aide aux réfugiés dans le cadre du processus de réinstallation lui-même. Cela était particulièrement pertinent étant donné les ressources des OPS du PAR nécessaires pour la gestion des médias et la communication. En raison d’un manque de compréhension du processus du PAR et d’attentes irréalistes, il n’était pas rare que des bénévoles spontanés critiquent dans les médias la capacité des OPS du PAR à s’occuper des réfugiés (voir CTV News, 2016). Par exemple, les notes de RAP03 :
Il y a eu des difficultés […] avec des gens qui ne connaissent pas vraiment le processus, donc au milieu de tout cela, nous avons eu des critiques publiques très virulentes sur le fait de ne pas fournir suffisamment de soutien. Et nous avons dû essayer d’expliquer […] quel est notre rôle et notre approche pour donner le choix aux gens. Par exemple, il y avait assez d’argent pour que les gens puissent meubler leur appartement, mais certains ont choisi de ne pas acheter tous leurs meubles en même temps. Il y a donc des gens [des membres du public] qui sont allés voir les médias et ont dit : “Ces gens n’ont pas de meubles de salon”. Eh bien, c’est leur choix ! Ils veulent prendre le temps de décider comment dépenser leur argent. Ils veulent avoir une idée du montant et de l’ampleur de leur dépense. C’était un défi de devoir faire face à cela aussi.
Ce commentaire est directement lié à l’agence des réfugiés et à la façon dont ils contribuent à la création de valeur dans les efforts de réponse par leur engagement, par exemple en décidant comment dépenser l’argent qui leur est donné par le gouvernement ou en contribuant au processus de recherche de logement. Afin d’éduquer le public, les employés de l’agence de réinstallation ont investi des ressources pour informer le public sur les procédures adéquates du PAR. RAP04 explique : “Nous avons immédiatement organisé des séances d’information et avons contacté les médias, via Facebook, par les médias sociaux pour leur dire : “Voici ce que nous faisons… voici comment vous pouvez travailler avec nous pour nous aider dans cette situation”. …Notre effort a été de diriger les gens vers quelque chose”. D’autres agences ont organisé des sorties spéciales auxquelles les médias pouvaient assister. La gestion improvisée dont il a été question ici, ainsi que d’autres aspects de la gestion des bénévoles, a nécessairement enlevé aux résultats, à la qualité et à l’efficacité des services de réinstallation que le personnel des OPS du PAR pouvait offrir directement aux réfugiés ou développer avec eux.
Lorsque l’on considère la co-production de valeur, l’analyse des défis et des stratégies de gestion des bénévoles du seul point de vue des agences de réinstallation permet d’écarter l’impact qu’une gestion inefficace ou peu efficace a sur d’autres aspects de la triade de relations. En d’autres termes, en cherchant à changer & améliorer le statu quo, les stratégies élaborées devraient tenir compte des défis découlant d’une gestion inadéquate des bénévoles dans les relations entre les trois principaux acteurs concernés, à savoir les bénévoles, les organismes de réinstallation et les réfugiés. Cela illustre la nécessité de placer la voix des bénévoles et des réfugiés au centre de la compréhension de la gestion efficace des bénévoles. Par exemple, plutôt que la satisfaction des bénévoles ne relève pas uniquement de la responsabilité des OPS du PAR, une véritable coproduction permet également aux personnes concernées et servies de façonner l’expérience des bénévoles. Pour ce faire, les réfugiés peuvent fournir un retour d’information sur l’impact que les bénévoles ont eu sur leur expérience de réinstallation, et les bénévoles peuvent recevoir ces informations. Les OPS du PAR sont idéalement placés pour faciliter cet échange et, de cette façon, les bénévoles reçoivent des comptes rendus de première main sur l’impact de leurs efforts, tandis que les réfugiés peuvent partager activement des informations importantes concernant l’efficacité de l’engagement des bénévoles avant les futures initiatives de coproduction.
En apprenant de tous les acteurs concernés, il est possible de mieux comprendre les techniques de gestion des bénévoles afin de s’assurer que les services sont fournis efficacement, que les bénévoles sont satisfaits de leur rôle et, surtout, que les réfugiés se sentent soutenus et connectés à leur nouvelle communauté. Ainsi, bien que les entretiens avec les employés des agences qui ont répondu (comme cela a été fait dans cette étude) soient précieux, il est également important de solliciter les réactions des bénévoles ainsi que des réfugiés eux-mêmes.
La coproduction évidente dans l’initiative de réinstallation des réfugiés syriens est l’une de ses principales caractéristiques positives : le public canadien s’est mobilisé en masse pour assurer la réussite de la réinstallation de milliers de réfugiés syriens. Compte tenu de l’accent mis sur l’ensemble de la société et sur les efforts de soutien coproduits dans la gestion des situations d’urgence, deux leçons importantes peuvent être tirées de cette étude de cas. La première consiste à tirer les leçons des stratégies de gestion des bénévoles mises en œuvre par les agences de réinstallation.
Bien que de nombreuses agences de réinstallation n’aient pas mis en place de mécanismes et de ressources pour traiter le volume des demandes de bénévoles, elles ont improvisé et ajusté le temps nécessaire, facilitant ainsi une coordination plus efficace des bénévoles. Les stratégies adoptées comprenaient le transfert des ressources internes des OPS du PAR pour s’occuper de la coordination des bénévoles, le recours à des bénévoles de confiance pour aider à la gestion des bénévoles, l’obtention de fonds pour engager un coordinateur de la gestion des bénévoles et l’externalisation de la gestion des bénévoles à des partenaires extérieurs (par exemple, des partenaires gouvernementaux, des groupes ethnoculturels). Les stratégies de suivi et de “contrôle” de l’accès des bénévoles aux personnes touchées sont essentielles, d’autant plus que les victimes de catastrophes constituent une population vulnérable (dont beaucoup ont aggravé leur vulnérabilité). Si les OPS du PAR les plus efficaces à cet égard sont ceux qui ont été proactifs et ont tenté d’embarquer les bénévoles avant l’arrivée des réfugiés, étant donné que la sélection des bénévoles spontanés peut être assez difficile au milieu d’un événement, des solutions rapides, notamment l’attribution de responsabilités à faible risque aux bénévoles spontanés, la gestion des attentes et l’organisation de séances d’information impromptues, sont utiles. En général, il est contre-productif d’encourager l’engagement citoyen tout en réduisant le financement des programmes d’engagement communautaire ou en n’augmentant pas le financement des activités de gestion des bénévoles.
Ces leçons tirées de l’étude de l’expérience des OPS du PAR sont applicables à toute entité chargée de gérer les efforts d’intervention de l’ensemble de la société, y compris les organismes municipaux de gestion des urgences, les premiers intervenants (tels que les services d’incendie ou les services médicaux d’urgence) et les organisations non gouvernementales ou à but non lucratif. Étant donné que le Canada est un pays hôte dans l’étude de cas donnée, les leçons sont particulièrement pertinentes pour les agences et entités responsables de la coordination et de la gestion des activités d’accueil des personnes évacuées en masse, notamment à la lumière de la forte incidence des inondations et des incendies de forêt au Canada, et de la façon dont ils suscitent souvent un grand soutien public.
Comme deuxième leçon (et peut-être plus importante), cette étude nous a montré qu’au-delà du simple fait de se concentrer sur l’amélioration des résultats entre les bénévoles et les organismes d’intervention dans le cadre des efforts de l’ensemble de la société, la co-création de valeur par la coproduction doit être reconnue. Pour ce faire, les rapports d’ après-action (ou bilans) et les exercices sur les leçons apprises devraient intégrer les commentaires des multiples parties prenantes impliquées dans la co-production des résultats de lintervention, plutôt que de se concentrer simplement sur les processus internes des organismes responsables. Comme on l’a montré, les bénévoles dans le contexte des interventions d’urgence peuvent poser des problèmes tant aux organismes d’intervention qu’à ceux qui sont touchés par les catastrophes.
Pour mieux comprendre le rôle des bénévoles dans la coproduction des résultats, la figure 2 présente une triade révisée qui peut s’appliquer à toute situation d’urgence. La figure illustre les relations de base entre les bénévoles, les entités d’intervention en cas d’urgence et les parties prenantes touchées.
Figure 2 : Adaptée de la figure 1, cette triade illustre la relation de coproduction entre les bénévoles, les entités d’intervention et les parties prenantes touchées à la suite de toute situation d’urgence. Comme dans l’exemple de la réinstallation des réfugiés, s’ils sont mal gérés, les bénévoles peuvent également avoir un impact négatif sur le processus de gestion des urgences après une situation d’urgence et affecter négativement les personnes touchées.
En examinant les trois relations entre tous les acteurs impliqués dans une initiative de coproduction, une image plus holistique commence à émerger : les défis sont mieux compris, les capacités existantes peuvent être identifiées et les domaines nécessitant plus de ressources sont mis en évidence. Alors que les exercices traditionnels d’analyse de la gestion des bénévoles sont internes et se concentrent principalement sur la relation entre les organismes d’intervention et les bénévoles, cette approche est clairement trop étroite et peut entraver la possibilité d’utiliser ces exercices pour renforcer le soutien financier et les ressources dans la gestion d’autres relations dans le cadre d’efforts d’intervention d’urgence coproduits, c’est-à-dire celles entre les bénévoles et les parties prenantes directement touchées (relation II), et celles entre les organismes d’intervention et les parties prenantes touchées (relation III). Chaque relation de la triade nécessite une gestion efficace pour que la co-production soit optimale.
Considérez la réponse très médiatisée au tremblement de terre du 12 janvier 2010 en Haïti, où de nombreux bénévoles non affiliés et imprévus, ainsi qu’une abondance de dons, sont arrivés dans le pays. Malgré la bonne volonté, cela a entraîné des difficultés majeures dans les efforts d’intervention. Par exemple, lorsque des centaines de milliers de kilos de produits pharmaceutiques et des milliers de kilos de fournitures médicales sont arrivés dans le pays dans les deux semaines qui ont suivi le tremblement de terre, la chaîne d’approvisionnement médical a été débordée, ce qui a entraîné “des retards importants dans l’acheminement des médicaments aux équipes médicales” (Jobe, 2011, p. 4). Ces obstacles logistiques et les retards qui en ont résulté ont coûté du temps, de l’énergie et même des vies (Aleccia, 2010).
Dans cet exemple, la gestion inefficace des dons bénévoles, caractérisant la relation I (Entité d’intervention volontaire), a eu un impact négatif sur la relation III (Entité d’intervention – parties prenantes) ; ainsi, les logisticiens de l’entité d’intervention n’ont pas pu fournir des fournitures médicales à la fois au personnel médical et aux victimes de la catastrophe au rythme normal parce qu’ils étaient débordés par les fournitures reçues. Même de loin, les citoyens qui ont offert ces articles n’ont pas créé de valeur dans le cadre de la réponse d’urgence. Au contraire, ils ont créé par inadvertance des difficultés et ont réduit la qualité et le rendement des services. De même, Jobe (2011) note que certains bénévoles qui sont arrivés en Haïti avaient des conditions médicales sous-jacentes qui les rendaient non seulement incapables de contribuer de manière significative aux efforts de réponse, mais qui finissaient par avoir eux-mêmes besoin d’une assistance médicale. Dans ce cas, ces bénévoles n’ont pas été en mesure de jouer un rôle coproductif efficace dans le cadre de l’effort de réponse, ce qui a affecté la relation II (Bénévoles – parties prenantes) ; ils n’ont pas été en mesure de fournir des services aux victimes des catastrophes et ont dû utiliser du matériel médical dont ils avaient grand besoin. Comme l’étude de cas sur la réinstallation des réfugiés présentée dans ce document, cette illustration du tremblement de terre de 2010 en Haïti montre qu’une gestion inefficace des bénévoles et des dons peut empêcher une coproduction positive des activités d’intervention d’urgence, les bénévoles ayant un impact négatif sur les services fournis aux victimes de la catastrophe.
Dans une situation comme celle-ci, il est impératif d’apprendre de toutes les parties concernées. Comment les organismes d’intervention doivent-ils aborder les problèmes posés par des bénévoles mal équipés ou de dons matériels non-sollicités ou en trop grande quantité ? Pour les bénévoles, comment peuvent-ils contribuer le mieux possibler tout en évitant les problèmes? Plus important encore, et peut-être moins réfléchi, comment les personnes directement touchées par les catastrophes vivent-elles la prestation de services, tant positive que négative, des bénévoles ? Le fait de poser des questions comme celle-ci et d’examiner les trois relations de cette triade lorsqu’on cherche à identifier les enseignements tirés peut aider les agences ayant un rôle d’intervention à faire en sorte que les bénévoles soient plus susceptibles de coproduire avec succès et d’apporter une valeur ajoutée aux efforts d’intervention d’urgence. Pour y parvenir, les praticiens de la gestion des urgences sont encouragés à faire appel à des chercheurs et à des universitaires afin de solliciter leur expertise méthodologique et leur portée pour examiner l’étendue de l’impact des bénévoles dans les réponses aux catastrophes dans l’ensemble de la société. De même, il est tout aussi important que les chercheurs lancent des projets de recherche participative avec les praticiens, par exemple par le biais de bourses d’études collaboratives et engagées dans la communauté (CCES), qui offrent un espace critique où des voix auparavant marginalisées peuvent s’élever dans la littérature universitaire et l’analyse politique, apportant de nouvelles idées et éventuellement de nouvelles solutions (Warren et al. , 2018). Une telle collaboration entre les universitaires et les acteurs de terrain peut permettre d’améliorer les objectifs de coproduction dans le domaine de la gestion des urgences.
Ce document a examiné l’impact que les bénévoles spontanés peuvent avoir sur la prestation de services, en mettant particulièrement l’accent sur l’initiative de réinstallation des réfugiés syriens du Canada. Il a fait valoir que l’accent mis récemment sur l’engagement de l’ensemble de la société dans les situations d’urgence peut créer un environnement permettant aux bénévoles de jouer un rôle co-productif positif, dans lequel ils apportent une valeur ajoutée au processus de prestation de services. Cependant, comme cela a été souligné, l’engagement des bénévoles représente un paradoxe : alors qu’il est indispensable, s’il n’est pas planifié de manière proactive et soutenu par des ressources et une gestion adéquate, une mauvaise gestion et implication des bénévoles peut perturber la production, la qualité et les résultats des services – ce qui, en fin de compte, affecte négativement le processus de prestation de services et les personnes touchées par la catastrophe. L’amélioration de la gestion des bénévoles ne se limite toutefois pas à la relation entre les bénévoles et les entités d’intervention elles-mêmes, mais doit prendre en compte une triade de relations impliquant les entités d’intervention, les bénévoles et les victimes touchées. Chacun de ces acteurs est coproducteur des résultats de la gestion des catastrophes, et il est important de veiller à ce que des ressources adéquates soient disponibles pour gérer chaque relation afin que les résultats, la qualité et les produits des services soient atteints de manière optimale.
Les enseignements tirés de cette étude de cas sont applicables aux gestionnaires des situations d’urgence qui peuvent être chargés de coordonner les réponses à d’autres types de catastrophes, où le public est à la fois encouragé et motivé à s’impliquer dans un rôle de co-production. L’accent mis sur l’implication de l’ensemble de la société dans la gestion des urgences ajoute à l’urgence de cette approche, car la présence continue de bénévoles spontanés doit être à la fois attendue et bienvenue. Comme l’illustre la triade de relations évoquée dans cette étude, pour optimiser les approches collaboratives dans la gestion des urgences, les praticiens de la gestion des urgences sont encouragés à reconnaître la co-production de valeur dans le processus de livraison et/ou de réception de services publics dans l’intervention et l’action de l’ensemble de la société face aux catastrophes. Nous préconisons de se saisir de l’expérience vécue de chacun des acteurs impliqués dans la triade de relations dans les initiatives coproduites, ainsi que la mise à disposition de ressources adéquates dans la gestion de chacune de ces relations, pour une meilleure gestion globale des catastrophes.
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